« Le démon de la colline aux loups » (2)

« D’une prison l’autre », voilà ce qui me vient lorsque je pense au roman de Dimitri Rouchon-Borie : « Le démon de la colline aux loups ». Sa lecture peut provoquer un effet d’oppression, voire d’angoisse, un effet dans le corps, quelque chose entre l’attrait et la répulsion. Dans un style vif et sans fioriture, au détour de chapitres courts et incisifs, nous rencontrons le narrateur, Duke, un homme dont on se dit qu’il est surtout né au mauvais endroit. Soumis aux caprices et à la jouissance parentale, se déclinant en diverses versions, Duke est littéralement écrasé comme sujet. Le recours aux mots est bien pauvre à tempérer les effets du trajet qui est le sien, mais il s’y efforce cependant par l’entremise d’une vieille machine à écrire.

Duke n’apprend son prénom que lorsque, forcé d’aller à l’école après des années d’isolement, sa maîtresse s’adresse à lui. Enfin, a-t-on envie de rajouter. Jusque là personne ne l’appelait ni le nommait. Être appelé par un nom ne fait pas forcément nomination, mais donne tout de même l’occasion de tenter de se reconnaître et de s’unifier. « Elle est revenue en grondant gentiment non non non Duke et c’est là que j’ai appris que je m’appelais Duke et elle a montré mon nom sur le tableau avec la liste des élèves et elle a dit tu vois tu es avec nous maintenant Duke. Moi je ressentais ça comme un son dur comme l’écho d’un caillou contre un caillou quelque part dans les bois derrière la Colline aux loups ça ferait Duke Duke Duke. Mais c’était magique et je murmurais Duke Duke et j’essayais de faire le rapport avec la sensation que j’avais de moi à l’intérieur1 ».

Plus loin : « Elle m’a montré dans un miroir et j’ai ouvert les yeux immenses car je crois que je ne m’étais jamais vu avant à la maison il n’y avait pas de miroir peut-être dans la chambre des parents mais c’était interdit d’y aller je ne sais pas pourquoi. Ce que j’ai vu j’ai su bien sûr que c’était moi mais comment fait on une chose pareille de se reconnaître soi même après j’ai souvent demandé aux psys. J’ai dit c’est Duke et la dame a dit oui c’est Duke et moi j’ai répété Duke c’est moi et la dame a fait oui oui et elle a approché son visage pour regarder avec moi dans la glace. C’est vrai que tu vas devenir un bel homme Duke moi j’ai noté que j’avais des cheveux noirs et de yeux clairs je plissais des yeux pour vérifier que c’est bien moi qui faisais ça2 ».

Et si du ravage il est grandement question dans ce texte, ce qui touche et accroche le lecteur c’est aussi la tension entre ce réel pur, cette horreur quasiment indicible et l’innocence du narrateur, tombé si violemment du nid.

Véronique Le Hir

Notes :

1. ROUCHON-BORIE D., Le démon de la colline aux loups, Le Tripode, 2021, p. 26.

2. Ibid., p. 28.

« Le démon de la colline aux loups »

Dimitri ROUCHON-BORIE
Édition Le Tripode 2021
Prix Louis Guilloux 2021

Le 17 mars 2023, des collègues du pôle 6, Patricia Robert et Pierre Perez, organisent à la librairie «Comment Dire» à Rennes, une rencontre avec cet écrivain briochin et son éditeur. C’est l’occasion de revenir sur ma lecture de ce livre.

Avec cette aquarelle de Clara Audureau sur la couverture, ce livre est un bel objet, un écrin pour le réel. Car c’est bien du traitement du réel dont nous parle cet écrivain, Dimitri Rouchon-Borie.

Il y a dans ce livre deux questionnements qui se poursuivent, deux écritures.

Celle de Duke, le personnage crée par l’auteur, qui écrit son trajet de vie, un chemin parti « du monde de l’unité indistincte »(1) et qui inexorablement le ramène à son point de départ, au commencement des sensations de vie pour lui dans « le nid »(2). Le nid, l’espace de l’enfance, «c’était l’horreur mais au fond c’était notre paradis et rien n’a été mieux que cela »(3).
Avec ce qu’il nomme « son parlement » (4), ses mots et son phrasé, Duke essaye de cerner ses limites à dire et à comprendre, il dépose sa question concernant son père : que fallait-il faire « pour plus subir son héritage j’étais comme quelqu’un qui se débat avec un poids tu coules tu coules mais tu ne sais pas où est attachée la pierre »(5)?

Puis il y a l’écriture de l’auteur, qui a accepté, dit-il, « d’aller jusqu’à s’oublier soi »(6), de « se laisser traverser »(7) par l’histoire et les mots qui ont surgi, qui se sont imposés à lui après cette question : qu’est ce que je viens faire là ? «Là», ce sont les salles d’audience des Assises où son travail de journaliste l’a mené ; « là », à voir mais surtout à entendre l’horreur, celle qui peut advenir dans les existences humaines.
A propos de l’écriture de ce livre D. Rouchon Borie dit que c’était comme «être intensément là mais pas non plus présent»(8).
Une écriture qui tente de traiter ce qui traverse un sujet, un être enfermé, en prison, mais surtout dans ses affects et dans ce qu’il pense qu’on a déposé en lui.

Deux écritures qui s’appuient sur celle des Confessions de Saint Augustin : Duke, comme son créateur, traitent leurs questions : là où ils en sont, qu’est-ce qui les y a amené ?
Un tourment qui pourrait se formuler comme le fait Saint Augustin dans son introspection avant l’heure : « J’étais ce moi qui voulais et ce moi qui ne voulais pas, j’étais l’un et l’autre moi. Ni je voulais pleinement, ni je ne refusais pleinement ma volonté. C’est pourquoi je luttais avec moi même et j’étais déchiré intimement »(9).

Avec ce livre écrit en trois semaines, dans une quasi absence de ponctuation et de respiration, qui s’impose à la lecture comme il a surgi à l’écriture, D Rouchon-Borie considère être « aller chercher au bord du gouffre pour comprendre certaines choses de ce qu’est l’humanité »(10).

Janvier 2023
Soizic Garnier Maleuvre

Notes :
1. Le démon de la colline aux loups, Le Tripode, 2021, page 16
2. Ibid., p. 15
3. Ibid., p. 74
4. Ibid., p. 9
5. Ibid., p. 183
6. D. Rouchon Borie, Rencontres littéraires, Villa Carmélie, Saint Brieuc, 10 juillet 2021
7. Idem
8. Idem
9. Saint Augustin, Les Confessions, Livre VIII, p. 170, Éditions Garnier-Flammarion
10. D. Rouchon Borie, Rencontres littéraires, Villa Carmélie, Saint Brieuc, 10 juillet 2021

La contestation du divan

Fluctuat nec mergitur

Histoire populaire de la psychanalyse, voilà un titre qui dénote d’avec tous les grands livres qui frisent la confortable[1] Histoire de la psychanalyse. La présence du mot « populaire » interroge immédiatement ce lien de la psychanalyse au politique, une psychanalyse engagée dans la polis. Le psychologue, psychanalyste, maître de conférences à Paris VIII et membre de la revue Chimères, Florent Gabarron-Garcia, révise l’officiel récit historique de la psychanalyse à partir de ses « bifurcations décisives[2] », ses chicanes, en portant attention à ce qui se sera écrit dans les marges et qui sera resté hors du sens unique de la grande Histoire. Repartant de ce qui objecte à toute unification de l’Histoire, Florent Gabarron-Garcia s’occupe du passé pour interroger l’actuel.

Les histoires

D’emblée, les premières pages donnent la mesure du rapport qu’entretient l’auteur avec le texte ; travail qu’il considère comme tout autre qu’une lecture repliée sur l’exégèse, s’agissant « au contraire d’ouvrir les textes à l’Histoire[3] » – ouverture qui signifie considérer le contexte social et politique de l’époque. Avec ce retour au texte, Florent Gabarron-Garcia illustre et revient sur la pente réactionnaire contemporaine qui traverse ce qu’il propose de nommer, avec Robert Castel, le « psychanalysme[4] » ; discours qui participe de la fabrication d’une idéologie croyant dire l’achevé du vrai, l’interprétation comblante.

Cette lecture permet de renouer avec la tradition révolutionnaire de la psychanalyse qui s’approcherait par-là d’une suite possible à Contribution à l’histoire du mouvement psychanalytique de Freud rédigé en 1914. Du mouvement et du populaire à partir de figures marquantes. Pourtant bien plus qu’une simple contribution, cet ouvrage restitue le vivant du rapport de la psychanalyse au politique, là où il s’entend volontiers combien la psychanalyse, ou plutôt le psychanalyste, devrait se tenir à l’écart de la polis ; « neutralité politique » dont on (re)découvre la filiation directe avec les décisions d’Ernest Jones sous le IIIe Reich au nom d’un prétendu « sauvetage » de la psychanalyse par l’établissement de la règle « d’abstinence politique[5] ».

Les « policliniques »

« Rien n’est plus faux que la fable d’une psychanalyse neutre[6]. » Pour le démontrer, nous revenons avec un plaisir rafraîchissant sur l’évènement politique que constitua la conférence de Freud à Budapest en 1918 à l’occasion du Ve Congrès international de Psychanalyse – quelques mois seulement après la révolution d’octobre 1917 en Russie. Occasion pour chacun de parcourir à nouveaux frais la lecture du texte de cette conférence de Budapest, Wege der psychoanalytischen therapie.

On découvre que le vœu freudien d’édification d’établissements ou d’instituts de consultation gratuits auxquels seraient affectés des médecins formés à la psychanalyse, reçut un considérable écho dans les années 1920 avec les ouvertures nombreuses de policliniques. « Policlinique » dont le choix d’écriture aura retenu l’attention de l’auteur : non pas polyclinique, de laquelle s’entendrait la multiplicité des soins, mais policlinique, engagée dans la vie de la cité[7]. Ces initiatives de pratiques psychanalytiques engagées dans la polis essaimèrent l’Europe – de Londres à Moscou, en passant par Budapest, Vienne, Zagreb, Berlin, Trieste, Rome ou Francfort –, dans l’attente que l’état reconnaisse l’urgence de ses obligations.

Freud et les jeunes

Toutes ces initiatives furent engagées par de jeunes analystes, ceux dits de « la troisième génération », enthousiastes et « ne bénéficiant pas encore de clientèle privée, s’investissa[nt] dans une pratique clinique à l’adresse des plus pauvres[8] » : Wilhelm Reich, Sándor Ferenczi, Siegfried Bernfeld, Vera Schmidt, Marie Langer, pour ne citer qu’eux. Chacune de ces initiatives fût accueillie et soutenue par Freud lui-même.

Ce n’est pas tant la jeunesse pour la jeunesse auquel on opposerait naïvement son âge, son être jeune[9], plutôt les jeunes dans un certain rapport au désir et à la vérité, « pas trop immunisés par la pratique même de l’analyse[10] […] », comme le souhaitait Lacan pour son École. Quelle surprise d’apercevoir au-delà du travail précédemment engagé au sein du Pôle Ouest de l’EPFCL-France sur le thème de « Lacan et la jeunesse[11] », que Freud ne misait pas sur n’importe qui quant à l’à-venir de la psychanalyse dans une Europe révolutionnée avant le brutal et glacial arrêt fasciste.

L’exemple le plus enseignant sera celui de la trajectoire singulière de Wilhelm Reich à partir de son expérience au sein de la policlinique de Vienne fondée en 1922. En parallèle, il tiendra de 1924 à 1930 un séminaire clinique sur la technique psychanalytique dans lequel il mettra au travail les cas de sa pratique et les impasses auxquelles le praticien se trouvait confronté. En somme, ce séminaire donnait place à son devoir d’interrogation et s’orientait de ses questions ; ses pourquoi qui ne s’occultaient d’aucun « c’est comme ça ». Mais Reich dérangeait l’ancienne génération qui n’aspirait qu’à ce qu’il rentre dans le rang et dérangera plus tard le nazisme montant des années 1930.

Histoire populaire de la psychanalyse ne manque donc pas sa question. Néanmoins, n’oublions pas de mentionner la bascule qui s’opèrera pour Freud à partir de l’écriture de son Malaise, passant d’une vision politique optimiste de la psychanalyse et favorable aux réformes progressistes, à une vision apolitique de la psychanalyse : « Que se passe-t-il alors chez Freud qui puisse expliquer une inflexion si radicale sur l’articulation de la psychanalyse à la politique[12] ? » se demande Florent Gabarron-Garcia. Et comment rendre compte du fait que ses thèses du Malaise oblitèrent parfois complètement celles antérieures ?

Quoi qu’il en soit, je dois dire que cette lecture est tombée à pic, une fois dépassées les heureuses découvertes, apportant un autre regard et une certaine perspective à l’expérience que nous menons avec quelques collègues sur le Pôle Ouest avec l’ouverture d’un Centre d’Accueil Psychanalytique dans la cité, pour faire offre de l’expérience analytique selon l’option lacanienne, à des personnes qui ne se seraient pas adressés à un analyste.

L’histoire populaire de la psychanalyse rejoindrait alors Patrick Boucheron dans sa revendication d’une histoire sans fin, toujours ouverte à ce qui la déborde et la transporte. « Comment se résoudre à un devenir sans surprise, à une histoire où plus rien ne peut survenir à l’horizon, sinon la menace de la continuation[13] ? » 

Discussion avec Florent Gabarron-Garcia autour d’Histoire populaire de la psychanalyse le lundi 11 avril 2022 à 18h à la librairie Planète Io (7, rue Saint-Louis, 35000 Rennes).

Participation de Florent Gabarron-Garcia, auteur d’Histoire populaire de la psychanalyse, au séminaire Psychiatrie et Sciences Humaines de l’hôpital de Gonesse le 18 mai à 11h30 (2, boulevard du 19 mars 1962, 95500 Gonesse).


[1] « Nous avons besoin d’histoire car il nous faut du repos », dans BOUCHERON P., « Ce que peut l’histoire », Leçons inaugurales du Collège de France, Paris, Librairie Arthème Fayard et Collège de France, 2016, p. 69. Voilà une bien belle manière de considérer l’histoire à partir de cette catégorie clinique si peu questionnée qu’est le repos ; le repos avec son imaginaire de tranquillité, de rondeur, de continuité vers lequel Patrick Boucheron fait tendre le besoin d’histoire comme traitement de l’intranquillité du réel.
[2] GABARRON-GARCIA F., Histoire populaire de la psychanalyse, Paris, La Fabrique éditions, 2021, p. 15.
[3] Ibid., p. 14.
[4] Ibid., p. 11 ; CASTEL R., Le Psychanalysme, Paris, Maspero, coll. « Textes à l’appui », 1973.
[5] Ibid., p. 89.
[6] Ibid., p. 12.
[7] Ibid., p. 18.
[8] Ibid., p. 13.
[9] STRAUSS M., « La jeunesse, perdue ? », dans Tu peux savoir, Revue en ligne, publié le 25 septembre 2017, [https://www.tupeuxsavoir.fr/publication/la-jeunesse-perdue/].
[10] LACAN J., « En guise de conclusion », dans Lettre de l’Ecole freudienne, n°7, mars 1970, p. 164. « Et c’est pourquoi je souhaite qu’au cours de notre Ecole viennent des travailleurs, dont je ne souhaite pas spécialement qu’ils ne soient pas analystes, mais enfin qu’ils soient encore assez frais, pas trop immunisés par la pratique même de l’analyse, contre une vision structurale des problèmes. »
[11] Séminaire collectif de psychanalyse 2016-2017 intitulé « Lacan et la jeunesse », et qui donna lieu à une journée d’étude intitulée « Le moment dit de la jeunesse » organisée le 25 mars 2017 à Rennes (https://www.tupeuxsavoir.fr/rubrique/lacan-et-la-jeunesse/).
[12] GABARRON-GARCIA F., Histoire populaire de la psychanalyse, op. cit., p. 84.
[13] BOUCHERON P., « Ce que peut l’histoire », op. cit., p. 71.

Beckett : Peintre de l’écrit-vain

Je me saisis du thème proposé, « le pire » ; avec pour sous-titre, que le pire, dans la cure analytique, n’est pas sans lien avec la condition de « rebut » du parlêtre.

Je m’en saisis par un retour à un texte de Samuel Beckett, « Cap au pire » de 1982.

Plusieurs raisons à ce choix.

D’une part, Beckett manie cette matière du rebut à travers tout un travail autour de /et/ avec la lettre. « Beckett… ne laisse pas le rebut au rebut [écrit Bruno Geneste]. Il lui donne existence d’entre les hommes, il en fait le signe irréductible de l’humanité d’un être parlant[1] ».

Par ailleurs, Michel Bousseyroux qualifie le « Lacan du poème signé Là-quand » comme étant « un beckettien post-joycien[2] ». Mais qu’est-ce qu’être « beckettien » à l’aune de la psychanalyse ?

Puis, le titre « Cap au pire », est devenu me semble-t-il, la métaphore d’une certaine orientation de la cure.

Retour à ce texte littéraire, donc. Qu’en est-il ?

Ecrit en anglais, la seule traduction française qui existe est posthume.

 « Encore. Dire encore. Soit dit encore. Tant mal que pis encore. Jusqu’à plus mèche encore. Soit dit plus mèche encore[3] ».

« Il est debout. Quoi ? Oui. Le dire debout. Forcé à la fin à se mettre et tenir debout[4] ».

« Essayer encore. Rater encore. Rater mieux[5] ».

Samuel Beckett parlait peu de son œuvre.

Mais en 1937, dans une lettre à Axel Kaun il évoque ce qui constitue pour lui la « plus noble ambition » d’un écrivain de son temps, à savoir « malmener » le langage[6].

 « Y creuser un trou après l’autre jusqu’au moment où ce qui se cache derrière, que ce soit quelque chose ou rien, commencera à suinter[7] ».

Il y maudit la « matérialité » des mots, bruyante : « dans la forêt des symboles, les oiseaux de l’interprétation, qui n’est pas une interprétation, ne se taisent jamais[8] ».

Contrairement à la musique et à la peinture où le « silence » lui semble possible.

Dans « Cap au pire », Samuel Beckett réussit « Tant mal que pis encore[9] » à rendre silencieux les « oiseaux de l’interprétation ».

En effet, se raccrocher au sens est vain dans ce texte.

Nul scénario bien ou mal ficelé.

La matière du mot se fait plutôt peinture, pour dessiner en creux quelques images.

Hélène Lefevre-Benrebbah


[1]  GENESTE B., Beckett avec Lacan : l’humus humain et le plus humain, in « Mensuel » n°143, juin 2020, p.28.

[2] BOUSSEYROUX M., Penser la psychanalyse avec Lacan : Marcher droit sur un cheveu, Villematier, Editions Erès, 2016, p.174.

[3] BECKETT S., Cap au pire, Normandie, Les éditions de minuit, 2018, p.7.

[4] Ibid., p.9.

[5] Ibid., p.8.

[6] BECKETT S., Lettres I :1929-1940, Editions Gallimard, 2014, p.563.

[7] Ibid, p.563.

[8] Ibid, p.563.

[9] BECKETT S., Cap au pire, op.cit., p.7.

Des nouvelles d’Hamlet

Elle n’est pas tout à fait nouvelle, mais la version d’Hamlet de Peter Brook (2001) nous a été présentée par Muriel Mosconi ce 23 janvier dans le cadre du collège de clinique psychanalytique du sud-est. On se rappelle la version un peu morne et inhabitée, presque mélancolique, de Franco Zeffirelli (1990), et celle plus en relief, baroque et emphatique, plutôt histrionique, de Kenneth Branagh (1996). Peter Brook a fait le choix d’une mise en scène épurée, où l’accessoire est déplacé pour dégager l’essence de la pièce. Les déplacements d’époque, de cultures, de couleurs de peau, de décors, soulignent l’intemporalité du récit. Servi par un jeu d’acteurs sobre mais consistant, le texte est raccourci par les coupes du metteur en scène, dépouillé de ses supposées digressions pour ne conserver qu’une articulation minimale du mythe d’Hamlet. Il en ressort une pièce courte, dynamique, passionnée et passionnante. Comme l’indiquait Muriel Mosconi dans son commentaire, le clinicien curieux (pléonasme ?) gagnera à enrichir le spectacle de la lecture du commentaire de Freud dans la Traumdeutung1 et des sept chapitres de son séminaire (livre VI) consacrés par Lacan à l’élucidation de ce mythe, dans son rapport au désir. En réponse au clin d’œil du comité de la rubrique, il n’est pas inintéressant d’interroger l’horreur de savoir d’Hamlet, le « pire » de ce personnage – rappelons-le au passage – de fiction. On en distingue plusieurs niveaux : celle que Shakespeare met en avant au premier plan, l’horreur pour Hamlet de savoir que son père a été assassiné, qui recouvre, à suivre Freud, celle de savoir qu’il eût voulu être l’assassin. Meurtre dont il ne se prive d’ailleurs pas dans le verbe : « The king is a thing […] of nothing2. » Mais l’horreur qui semble mener Hamlet du début à la fin est plutôt celle du commandement de vengeance qu’implique le dévoilement du meurtre, le mettant en demeure de se faire le bras vengeur du roi, commandement auquel il tente de se dérober jusqu’à la fin, au risque de la déréliction.
Et pour creuser encore un peu un sillon qui m’intéresse, il y a là, me semble-t-il, une des façons d’attraper la différence entre Œdipe et Hamlet, que Freud considère comme la marque du progrès du refoulement « dans la vie affective de l’humanité ». Là où Œdipe passe à l’acte, Hamlet act out. Là où Œdipe éjecte l’objet de la scène, Hamlet du début à la fin remet sans cesse l’objet sur scène. Et ce, jusqu’à sa dernière parole : « The rest is silence3. »

Francis Le Port

1 FREUD S., L’interprétation des rêves, Paris, PUF, 1967, p.230.
2 SHAKESPEARE W., Hamlet, (bilingue), Lambersart, Editions Vasseur, 2013, act IV – scene II, p.83.
3 Ibid., act V – scene II, p.125.

Faire le choix d’écrire dans ce qui se passe des formes

De cette lecture de l’ouvrage de Dominique Touchon Fingermann, « La (dé)formation du psychanalyste. Les conditions de l’acte », je fais le choix d’écrire, là, attrapé par du texte. « Quand on écrit, on peut toucher au réel, mais non pas au vrai1».

(Dé)formation présentée sur un trépied freudien : analyse didactique, étude de la théorie et contrôle, Dominique Touchon Fingermann creuse, inscrit là, où il y a de la déformation, sans cesse, et propose de se tenir au travail des effets de production, pas sans Ecole. L’expérience de la cure, l’irréductible restant, les preuves de la passe, se tenir responsable à « n’être enseigné qu’à la mesure de son inconscient2 » (p. 60), trouver lieu et adresse à cette responsabilité et au travail de l’« aberration » (p.80) à se faire semblant d’objet, agent de l’acte… l’auteur convoque au tranchant du réel.

Dominique Touchon Fingermann propose par sa (dé)formation ce qu’il en est du franchissement « du savoir de l’inconscient « au lieu » de la vérité » (p.54) et de ses conséquences. Un « choisir la voie par où prendre la vérité3 », là où de la position de l’inconscient s’opère, « parvenir à faire taire le maître, le professeur, l’hystérique » (p.182). « L’intranquilité » (p.154) confortée d’une lecture, de cette lecture, au plus près de quelque chose, pousse à passe. Les conditions de l’acte sont ainsi entrevues, seuls les effets d’après-coupe en feront sa qualité.

La formation du psychanalyste, l’analyse des analystes, la passe, la psychanalyse et son enseignement, le contrôle et le choix de l’école, l’auteur parcourt du trajet.  A leurre du savoir établi et de ses comités, ce livre est là où la psychanalyse réveille, pas sans se tenir responsable de sa jouissance donc. Face à la paresse du savoir établi, proposition est faite au travail de l’inconscient et de ses effets, une lecture donc qui peut prêter à faire sonner ce qui relève de sa cloche.

Angers, octobre 2019

1 J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, p. 80.

2 J. Lacan, « Allocution sur l’enseignement », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 299.

3 J. Lacan, Le Séminaire, Livre XXIII, Le sinthome, Paris, Seuil, 2005, p. 15.

Poésie irakienne : Ali Thareb « Un homme avec une mouche dans la bouche »

Ali Thareb est né en 1988 en Irak, où il a grandi et vit toujours.

« Un homme avec une mouche dans la bouche » est son premier recueil de textes traduit et publié en français depuis peu et qui a obtenu le Prix des Découvreurs.

Poète et performeur, il fait partie d’un collectif de poètes Irakiens, la Milice de la culture. A travers des mises en scène de lecture de textes sur les lieux même du crime (champ de mines, cage de prisonnier, voitures piégées, …), La Milice de la culture vise à dénoncer l’horreur de la guerre et des pratiques de Daesch.

Ces poètes font le choix de rester dans leur pays et d’attraper par les mots un quotidien qui côtoie la mort.

Pour Ali Thareb, l’écriture poétique est vitale :

 « Elle me permet de me sauver et d’essuyer, ne serait-ce qu’un petit peu, le sang qui coule sur ma vie. […] J’essaie constamment d’ouvrir notre mort quotidienne avec toutes ses facettes, sur les limites du mot, le mot qui pousse non pas comme une rose mais comme une balle[1]. »

Recourir aux signifiants pour nommer l’horreur de la mort devenue banalité, n’est pas sans se cogner aux limites du symbolique.

Deux polarités semblent se dégager dans la démarche de ce poète : recourir aux mots pour évider le sang et la violence tout en se confrontant à la violence même du mot : tel une balle, qui file et percute.

L’écriture du poète est ancrée dans le quotidien et traversée de bout en bout par la perte.

« La mort nous menace chaque jour
et jusqu’ici nous n’avons rien commencé
ainsi sommes-nous depuis l’enfance
pas une fois je n’ai vu entre tes mains autre chose
qu’une poupée sans jambes
tu m’auras vu tant de fois
tirant des pierres sur mon cerf-volant
pendu aux câbles électriques
j’aurais tant aimé dessiner des cœurs
avec la buée
quand tu étais face à moi à la maison
une fenêtre nous séparait
mais nos fenêtres n’avaient plus de vitres[2]. »

Quant au titre, percutant, peut-il être éclairé à la lumière des différents poèmes ?

« Un homme avec une mouche dans la bouche ». Comment cette mouche s’est-elle retrouvée là ?

S’agit-il d’un cadavre, bouche béante ? Est-ce un homme qui reste « bouche-bée », sans mots pour nommer ce qu’il voit ? Ou, au contraire, un homme qui en parlant prend le risque qu’une mouche se faufile jusqu’à l’intérieur de l’orifice qui lui permet justement de l’ouvrir ?

« Soudain ta bouche tombe sur la table
tu restes calme sur la chaise
tu touches ta bouche appuies dessus
enfonces deux doigts de la main gauche
traces un cercle avec les gouttes d’eau
échappées du verre renversé
y piques plusieurs fois ta cigarette
à la fin elle ressemble à un insecte mort
tu l’entoures de cercles infinis
avec le sang qui coule de ton visage[3]. »

Dans ce poème, nulle bouche ouverte ou fermée, mais une « bouche » qui chute et du sang. Qu’est-ce que cela met en exergue ? Nulle parole ne peut émerger de ces lèvres rabougries jusqu’à la mortification. Pourtant, le poète trace par ses mots un contour qui borde et épingle quelque chose en creux. Ces « cercles infinis » circonscrivent-ils par le trait l’espace de ce qui ne peut être dit par la parole aérienne ?

Le 23 Avril prochain, Ali Thareb est l’invité de la Maison de la Poésie, avec sa traductrice, Souad Labbize, pour une rencontre autour de ce recueil.

[1] THAREB A., Un homme avec une mouche dans la bouche, Editions des Lisières, Corbières, 2018, 4ème de couverture.
[2] Ibid., p.55.
[3] Ibid., p.37.

Fabrice Caro, « Le discours »

Après l’ovni littéraire Zaï, zaï, zaï, zaï devenu une référence incontournable de la BD humoristique complètement absurde et surréaliste, Fabcaro signe son nouveau roman « Le discours », une épopée quotidienne amoureuse à la fois drôle et touchante.

Si la préface évoque les meilleures comédies romantiques, c’est que l’ouvrage a de quoi faire honneur au classique du genre, la touche de l’artiste en plus. « Le discours » raconte l’histoire d’Adrien, « la quarantaine, déprimé[1] », en pleine rupture amoureuse planté au beau milieu d’un dîner de famille et de son sempiternel gratin dauphinois. L’intrigue commence alors que son beau-frère (le mari de sa sœur) lui demande de faire le discours de leur mariage. Adrien, lui, n’attend qu’une chose : une réponse de son ex au message qu’il vient de lui envoyer.

A travers l’histoire de cet homme ordinaire, Fabrice Caro nous plonge avec humour et sensibilité dans les méandres affectifs de la rupture amoureuse : le manque, l’attente, l’espoir, la colère, le désespoir, le souvenir, l’amertume. Dans l’abord, rien de triste, bien au contraire. Fabrice Caro dépose un baume hilarant et affectueux sur les problématiques universelles du cœur amoureux. L’identification opère et le lecteur rit aux éclats, dans cet « itinéraire sentimentale[2] » qui navigue entre sensibilité et émotion.

Derrière la légèreté du style, l’écriture dévoile une maîtrise de la construction scénaristique et un rythme dans la blague qui fait mouche à chaque fois. Dès les premiers mots, la réplique embarque le lecteur dans un dialogue intérieur irrésistible, animé par un sens de la répartie bien aiguisé. Et, chaque chapitre révèle la chute d’une boucle humoristique pleine de subtilité.

Celles et ceux qui connaissent ce dessinateur de BD savent que parmi les thèmes de prédilection de Fabrice Caro, le couple et l’amour à l’épreuve du quotidien occupe une place de choix (lire, entre autre, « Moins qu’hier (plus que demain) » paru en 2018). Cet observateur décortique l’âme humaine en laissant tremper sa plume dans la matière du quotidien pour en révéler l’incohérence, le paradoxe, l’absurdité au travers d’un cynisme adouci par une sorte de compassion pour l’échec humain. Sans doute le résultat de son « rapport « positif à la mélancolie[3] ».

Dans cette comédie littéraire, Fabrice Caro se charge d’ironiser la perfection pour notre plus grand plaisir vengeur, comme dans ce portrait jubilatoire du « beau brun ténébreux[4] » digne du personnage du «  blond » du célèbre humoriste (Gad Elmaleh, pour ne pas le citer) :

« Il avait attrapé une guitare qui traînait dans le salon, comme ça, nonchalamment, s’était accroupi dans un coin et avait commencé à égrainer quelques accords mineurs, de ceux qui pénètrent le cœur sans sommation, on n’a pas le droit d’enchaîner un la mineur et un ré mineur dans une soirée où les filles sont accompagnées de leur conjoint, c’est formellement interdit par les accords de Genève, on ne peut pas. (…)».[5]

Fabrice Caro nous offre une vision qui égratigne l’idéal de l’amour avec tact et finesse comique, en montrant les aspérités humaines avec tendresse et dérision. L’approche a de quoi faire écho à la psychanalyse dans la prise en compte de la dimension du symptôme et du ratage dans le rapport à l’Autre avec une certaine distanciation.

Il s’agirait donc d’entrevoir l’humour comme un art qui sublime l’impossible du non-rapport sexuel, distançant le réel grâce au décalage comique. Son éthique se situe du côté du traitement du symptôme. Loin de vouloir le dénier, il s’y confronte pour en faire un objet dont on peut rire. « L’humour ne se résigne pas, il défie », disait Freud.

Enfin, Fabrice Caro réserve quelques clins d’oeil réjouissants à la psychanalyse. On savoure ses interprétations « à la Freud » ou « à la Lacan », au choix, comme ce rêve des gambas et « du bol de vermicelles (…) essentiellement constitué de bouillon, les vermicelles y étant assez rares[6] ».

Photo Nanda Gonzague pour Libération

[1] Caro F., Le discours,  Editions Gallimard, 2018, Préface.
[2] Ibidem.
[3] Propos de Fabrice Caro extraits lors de l’émission « Remède à la mélancolie » du 4 mars 2018 menée par Eva Bester sur la radio « France Inter ».
[4] Caro F., Le discoursop. cit., p. 53.
[5] Ibid., p 52.
[6] Ibid., p. 88.

Reflets de notre époque

Il n’est pas étonnant que Michel Houellebecq se réfère souvent à Balzac, puisque comme lui, il met en scène des personnages qui nous touchent par leur contemporanéité. Le narrateur et personnage central de son dernier roman Sérotonine[1] – vendu à plus de quatre vingt dix mille exemplaires, dès sa parution – en est une nouvelle illustration.

Florent-Claude, – qui déteste, entre bien d’autres choses, son prénom – est un dépressif chronique, addicte à ce petit comprimé blanc, ovale, sécable, nommé Captorix, qui augmente la sécrétion de sérotonine. Le seul inconvénient de cet antidépressif nouvelle génération c’est qu’il s’accompagne souvent de nausées et de la disparition de la libido. Le narrateur avoue d’emblée qu’il n’a jamais souffert de nausées. Par contre il semble s’accommoder, tant bien que mal, de son impuissance.

Le roman commence par la fuite du narrateur. Il quitte son boulot qu’il n’affectionne pas particulièrement, en inventant un mot d’excuse. Il quitte également sa copine japonaise, devenue « une araignée piqueuse et venimeuse », mais là, sans le moindre mot d‘explication. La parole, dit-il, crée la division et la haine. La suite du roman rend compte des divagations du narrateur, qui revisite des lieux lui évoquant ses ex-partenaires avec qui, avoue-t-il, il a connu le bonheur, lorsque son organe ne subissait pas encore les effets secondaires du Captorix. Le point commun de ces moments de bonheur c’est les ruptures dont il s’avoue le responsable, voire le coupable. Est-il, dans son errance, à la recherche du bonheur perdu ? On pourrait le croire, puisqu’il  envisage par moments la possibilité de renouer avec l’une de ses ex-partenaires. Mais le courage lui manque et c’est le farniente dépressif qui l’emporte. Un farniente où il se vautre aussi mélancoliquement que nostalgiquement, mais qui est peut-être moins insupportable que le risque qu’il y aurait à renouer des relations avec ces êtres de l’autre sexe, aussi attirant que déroutant. L’amour, recouvrant, dit-il, « chez l’homme et chez la femme, deux réalités radicalement différentes ».

Sa déroute solitaire lui pèse, certes, mais elle ne va pas sans un certain confort, et elle n’est pas totalement dépourvue de certains plaisirs solitaires : la masturbation (sans trop d’effets, semble-t-il), mais aussi la boisson, la cigarette et la bonne bouffe. Il parle à un moment de « régression au stade oral », tout en ajoutant « pour le dire dans les termes du guignol autrichien ». L’admiration que Houellebecq voue à ce guignol de Freud est connue depuis longtemps. Cette régression concernerait, non seulement son cas particulier, mais la France et peut–être l’Occident tout entier, dit le narrateur. La prolifération actuelle de symptômes boulimiques ou anorexiques et des différentes addictions, semblent lui donner raison et ce en quoi ce narrateur « solitaire » reflète un aspect de notre monde contemporain.

Mais Florent-Claude ne s’en tient pas à la description de ses jouissances solitaires et de sa dépression, autre fléau du siècle. Ingénieur agronome (tout comme Houellebecq lui-même), il évoque fort lucidement la difficulté des agriculteurs à faire face à l’ultra-libéralisme capitaliste. Ils auraient presque pu être habillés avec des  gilets jaunes. Or, si Florent-Claude est touché par l’impuissance et le désespoir de ces travailleurs de la terre et de ces éleveurs d’animaux, il ne se sent pas non plus le courage de se battre à leur côté. Il est trop désespéré lui-même. Il conseille même à Ayméric – le seul homme pour qui il a éprouvé de l’amitié – de renoncer à se battre pour une cause qu’il estime perdue d’avance.

Le découragement, la fuite, le désespoir et la mélancolie du narrateur s’accompagnent d’un certain humour aussi lucide, qu’acide et ironique, trash même parfois. C’est probablement ces traits, si caractéristiques des personnages de Houellebecq, qui font de celui-ci un auteur polémique, aussi admiré que honni.

Ce qui  rend ses personnages si attachants pour les uns et si horripilants pour d‘autres, c’est que, non seulement ils reflètent les difficultés sociales et individuelles de notre époque, mais qu’ils ne croient plus en rien. Pour eux, les « lendemains qui chantent », entonnés hier avec enthousiasme, sont devenus un « aujourd’hui desenchanté ». Aucune récupération politique possible à ce désenchantement, puisqu’aux difficultés collectives – plus ou moins définissables – s’entremêle un désespoir individuel, beaucoup plus indéfinissable. Ce dernier est en partie une conséquence du premier, mais en partie seulement. Ainsi, son ami Aymeric, cet aristocrate ayant épousé la cause des paysans, est non seulement désespéré par la difficulté à soutenir cette cause, mais par les déconvenues de sa vie de couple. Difficile de démêler lequel de ces deux désespoirs l’a mené à son acte final. Houellebecq, d’ailleurs, ne s’attèle pas à l’expliquer. Tout comme il ne s’embarrasse pas à trouver une explication à ses ruptures avec des femmes, qu’il aimait pourtant. La psychologie n’est pas sa tasse de thé, quoiqu’il donne une version fort intéressante de la différence des sexes. Il n’est pas non plus un idéologue, quoiqu’il n’est pas dépourvu d’idées. Il ne se veut qu’un conteur, à qui on ne la raconte pas. Un conteur agnostique donc.

Quoi ajouter à l’estime qu’on éprouve pour ce conteur de grand talent, sinon qu’en ce qui concerne le mal-être du sujet, la psychanalyse – aussi peu appréciée qu’elle soit par ce conteur – a bien sa carte à jouer.

[1] Michel HOUELLEBECQ, Sérotonine, Paris, Flammarion, 352p., EAN : 9782081471757, ISBN : 9782081471757.