Déchirure. C'est par elle que je respire. "Ma déchirure" disait Aragon de son aimée Elsa. Ma déchirure à moi ne porte pas le nom d'un être, Mais le nom d'une absence. Un désêtre innommable Qui ne peut qu'essayer de se dire. Respirer par cette fêlure, Elle est le seul point de respiration, Qui permet à l'être de s'échapper, S'évanouir, Puis se recueillir dans un lieu inexistant. L'être par essence éclipsé, Insaisissable et décomplété. Il n'y a pas de moi-profond, Désolée de vous spoiler, Il y a un trou, Avec des bords. C'est tout. C'est tout, Mais certainement pas rien. Car c'est de là qu'on parle, Qu'on respire, Qu'on désire. On ne fait qu'aborder le trou Pour tenter de se saisir. Béance impensable Qu'on essaye de panser. Là se trouve l'inconsolable Qui permet de s'inventer. L'inconsolable, Ce point aveugle, Qui ne peut s'attacher à rien, Qui ne s'articule à rien, Qui dit toujours encore, Encore tout et rien. Il est juste là, Il ne répond pas, Il n'a même pas prétention à dire, Mais pousse pourtant à parler. S'ouvrir à la vie, C'est supporter notre angle mort, Notre insu-porté. C'est aller l'explorer, L'effleurer, l'enlacer, le cerner, C'est aller le détourner, Subvertir ce qu'on a et ce qui nous a porté. Inespéré Jusqu'à ce que la psychanalyse ne vienne me heurter. Une approche littérale, Qui a suivi les lettres qui ont accroché mon corps, Celles qui m'ont bordée. J'y ai découvert mon propre littoral : Terre intime, terre cachée, Avec ses fêlures, ses lisières et ses aspérités. De la déchirure Naissent ces berges littérales qui Libèrent Je. Je ne suis plus déchirée car Je est déchirure. Phoebé LIBERGE
Lacan : pour ce que j’en lis
Séminaire XIX : … Ou pire
Leçon 1
Puisque pire m’est toujours possible
Lorsque s’opaque le sens
Je m’en vais précieuse et canaille
Dans le vaste chant du monde
Mon verbe en lieu d’éventail percé
Chasser au pas cité du Tout
Les ballons qui stellent mon ciel d’enfance
Disjointe à m’en écarteler
Me voici lettre parlante en x
Au centre du chas à sertir du Réel
Où il pénètre et passe
… Ou pire
Nulle vérité ailleurs qu’en le verbe évidé
De la faille irréelle où je me tiens
Jaillit la dysphorie du rien d’après-langage
Où se forclot le mien discours
Qui s’empire de jouir en dire
Sans rompre en corps
Retiens-toi mon très cher
Au vertige élidé de la ponctuation
S’il n’y a pas de rapport sexuel
Et si la vérité ne peut que se mi-dire
Tout m’en ira de mal en jouir
Tandis qu’au pont de mon navire
Ta petite différence me pousse jusqu’au ventre
Mad machine que tu démontes à grands coups
Frappés au cœur du vide
Ça débraye
Le Réel passe tout entier
Dans le ça qui me (t)roue jusqu’à la bêtise
D’un vain recommencement
Je mendie la vérité légère
Qui insiste quand θεό rit
Mais ma nasse trouée n’attrape
Ni homard ni sirène
Hormis les font-semblants
La langue châtre
Fait trou presque pas-Tout
Sinon quand ma jouissance sonore
Force l’excès au mot
Il a fallu ce pire dont nul ne vient à bout
Moi moins encore tant enchaînée au(x) sens
Mais enchantée d’em-puter hourra le signifiant fallot
En balbutiant le discours de l’amour
Peut-être oui que bandée jusqu’aux yeux
Je jouirai dans l’absence
Qu’un supposé sachant serine
Tout de travers dans ses silences
Où mes drames palissent
Je débrouille les liaisons en lignes de fuite
Tandis qu’Un formule insistant
Une toute neuve logique pour appréhender le Réel
Mais tourner sept fois ma lalangue dans ta bouche
Laisse encore la faille indicible
Mon navire trouve toujours son cap au pire
À l’horizon inaccessible du langage
Qui garde homoizune fonction
En jouir ça va sans pire
S’il y a de l’Un sous le fagot
Qu’on le mette à feu et à sens
Qu’on y mette le feu à l’essence
En restera ce pis-aller comme évidence
Qu’existe quelque chose
Hors de la portée des mots dits
Intenable existence où tu ne peux ne pas
Impuissance salée de la mer sémantique
S’il faut tenter de vivre
Ailleurs qu’aux frontispices
Où sinon d’amourette à un autre
Haubane donc ma boucle dénouée corde qui danse
Fixe le point à l’envers de tout conte
De toute contingence
Là au profond où s’expériencent
Nos deux corps en discord
Tu me fis et me défais réelle
Jusqu’au point du non-sens
Où le discours rompt π
Isabelle Cros