La marionnette en psychiatrie adulte : fabrication d’une utopie ?

Exposé prononcé lors du stage Enseignements de la schizophrénie et agencements institutionnels au CCPO de Rennes en Avril 2025.

« La clinique est le réel en tant qu’il est impossible à supporter1 ». J. Lacan

« Assumer le lointain de l’autre, en étant au pied du mur de son opacité2 ». J. Oury

1- La marionnette, un tenant-lieu pour l’utopie ?

Lorsqu’il m’a été demandé de donner un titre pour cette intervention, l’idée m’est venue d’un rapprochement possible entre « Marionnette » et « Utopie ». Dans l’après-coup de cette association, un peu surprenante, j’y ai trouvé un point d’ancrage tout à fait intéressant où venait se questionner ce qui peut bien fonder le recours à la marionnette en psychiatrie adulte ?

Ce qui est au fondement de cette offre d’un dispositif de théâtre de marionnettes, est-ce donc de l’ordre de l’utopie ? Est-ce à proprement parler une utopie qui nous guide dans ce recours à la fabrication d’une marionnette et, par son truchement, à la mise en scène du personnage inventé ?

Vous savez que l’origine du terme utopie est bien connue puisque le mot a été créé par l’humaniste anglais Thomas More, au début du 16e siècle pour donner un nom à « la meilleure forme de communauté politique » possible, une société idéale, pure fiction, qu’il représente comme une île baptisée « Utopie ».

Avant de devenir le substantif que l’on connaît, « Utopie » est donc un toponyme, soit un nom propre, le nom d’un lieu. Mais, dans une des premières éditions du texte, figure une épigraphe sous forme d’un poème où l’auteur fait parler « Utopie », l’île elle-même. Dans ce poème, elle se présente, historise son nom et se rebaptise plus conformément à ce qu’elle est selon elle : « Eutopie à bon droit, c’est le nom qu’on me doit3. » Donc deux orthographes : U-topie et Eu-topie !

Ces néologismes, Thomas More les a construits à partir du grec ancien. Tout d’abord à l’aide du radical topos (le lieu) et du préfixe négatif U (οὐ) en ce qui concerne l’U-topie, soit littéralement le non-lieu, ce qui n’a pas de lieu ou ce qui est nulle part. Et il utilisa le préfixe Eu (eu) signifiant « bon » pour former Eu-topie, autrement dit cette fois, non pas le « sans lieu », mais le « bon lieu », le lieu du bon4.

Avec le jeu de ces deux préfixes, Thomas More confère donc à l’idée d’utopie une double signification, soit celle d’un lieu qui n’existe pas et/ou celle d’un lieu idéal.

Si bien que le mot aujourd’hui se caractérise par sa polysémie, pouvant désigner des réalités très différentes voire opposées. Il peut renvoyer tout autant à une société idéalement bonne qu’à un état totalitaire par exemple.

Si le terme « utopie » appartient depuis sa création au champ sémantique de ce qu’on peut nommer la sociopolitique, et il a beaucoup été commenté dans ce champ, il ne s’y réduit pas. Dans ses sens les plus courants, ce substantif est utilisé aujourd’hui pour définir bien évidemment un genre littéraire, mais également pour qualifier un projet impossible à réaliser, une conception illusoire, le domaine de l’imaginaire, du rêve… etc. Il peut d’ailleurs être employé pour dénoncer les dangers de la fuite hors du monde, justement, c’est-à-dire pointer le prix qu’il y a à payer pour qui cède au mirage, pour ne pas dire au délire…!

Alors, et les marionnettes dans tout ça ? Eh bien, de prime abord, la façon la plus simple dont elles viennent s’associer à l’idée d’utopie, c’est que la marionnette mobilise toujours un peu de défiance à son endroit.

Mais je souligne tout d’abord que ce n’est pas parce que, dans notre culture, elle est assez généralement associée à l’univers du jeu et du monde enfantin, que son utilisation en psychiatrie avec des adultes est rendue compliquée ; cela reste assez facile à dépasser.

Non, si l’on se méfie plus significativement de la marionnette, c’est qu’on perçoit en elle un pouvoir de libération de la parole.

Le recours à la marionnette libère bien souvent une parole transgressive qui fait rire et l’inscrit dans le registre de l’humour, mais c’est une parole qui rencontre tout aussi régulièrement la censure après-coup. Dans une mise en scène parodique du discours du maître, les marionnettes tournent classiquement en ridicule le pouvoir5. La marionnette déjouant la censure, son utilisation a toujours été un enjeu de pouvoir (de Guignol, Polichinelle jusqu’aux Guignols de l’info, en passant par toutes celles utilisées un peu partout dans les régimes autoritaires et les dictatures, entraînant la persécution des marionnettistes, comme par exemple en ex-Tchécoslovaquie, en Roumanie, en Indonésie, etc.).

En ce qui me concerne, la première fois que j’ai proposé avec deux collègues infirmières de mettre en place un « atelier marionnettes » au sein de l’hôpital de jour, le premier obstacle rencontré fut la grande crainte du chef de service d’alors, qui, tentant de nous en dissuader, s’écria : « Vous allez les faire délirer ! » Si la marionnette libère potentiellement une parole qui prête souvent à rire, elle peut donc tout autant prêter à frémir !

Mais la marionnette se noue à l’utopie d’une autre manière. En 1966, à l’invitation de France Culture qui organisait une série d’émissions sur les rapports entre littérature et utopie, le philosophe Michel Foucault va prononcer deux conférences6, où il propose un questionnement novateur sur l’espace (ce qui lui vaudra l’année suivante une autre invitation de la part cette fois du Cercle des études architecturales).

Foucault initie une nouvelle analytique de l’espace à partir, précisément mais aussi paradoxalement, de ce qui n’a pas de lieu : l’utopie. Il invite ainsi à s’intéresser à ce qu’il nomme des « contre-espaces », des « utopies localisées », des lieux malgré tout inscrits dans notre réalité, mais qui se caractérisent d’être absolument différents de tous les autres et auxquels ils s’opposent, les contredisant en les effaçant, les neutralisant, voire en les purifiant. Parmi les nombreuses illustrations données de ces hors-lieux, si je puis dire, on retiendra par exemple : les jardins, les cimetières, les prisons, les maisons de retraite, mais tout particulièrement les asiles, et le théâtre, etc.

Ainsi le théâtre de marionnette au sein de l’hôpital psychiatrique s’inscrit d’évidence dans cette série et illustre parfaitement ce que Foucault va nommer « hétérotopie », concept qu’il a finalement forgé pour décrire ces lieux, tout autres. La question des agencements institutionnels face à la schizophrénie doit pouvoir y trouver un écho, sinon une résonance tout à fait intéressante, il me semble.

Qu’est-ce que la transposition d’un dispositif marionnettique dans un tel lieu de soin est susceptible de favoriser quant à la problématique du lien, ne serait-ce que social, dont on sait à quel point il peut parfois être massivement empêché pour les sujets dits, pour cette raison notamment, schizophrènes ?

Et en quoi ce dispositif peut-il avoir partie liée, peu ou prou, avec le discours de la psychanalyse ? Et dès lors, aurait-il une particularité ? Se distingue-t-il ou non des autres activités dites thérapeutiques habituellement proposées ? Quelle est son offre ? A quelle demande est-il susceptible de faire réponse ?

Et au-delà, si l’on peut démontrer une filiation entre ce recours à la marionnette et la pratique analytique, qu’en est-il du dispositif freudien lui-même face à la psychose ? Si l’on cite souvent le mot d’ordre de Lacan donné en ouverture de la section clinique de 1977 en réponse à Jacques Alain Miller : « La psychose, c’est ce devant quoi un analyste ne doit reculer en aucun cas7 », malgré tout, il n’est pas rare d’entendre que, dans la psychose, en raison de la forclusion du Nom-du-Père, le sujet n’est pas divisé, et qu’on ne peut pas à proprement parler de désir ou de fantasme, et surtout, la possibilité du transfert, condition sine qua non d’une entrée dans le dispositif, prête fortement à caution.

Ainsi, dans le cadre de ces deux journées avec vous et à partir de ma clinique, je m’interroge : Qu’est-ce que la rencontre avec des sujet schizophrènes a pu m’enseigner ? C’est au travers de cette mise en question du recours au dispositif du théâtre de marionnettes, que je me propose d’en rendre compte. Ceci dans la mesure où ce dernier s’inscrit comme un agencement tout à fait particulier, me semble-t-il, au sein de l’institution psychiatrique, orientant vers les enjeux de la parole, au regard notamment de la visée du sujet de l’inconscient, irrémédiablement divisé.

Le cadre de ce que nous nommons « l’atelier marionnettes » à l’hôpital de jour est identique à celui présenté précédemment par Mélanie et Murielle. Trois temps donc, qui consistent en la fabrication de la marionnette, la création du personnage, et enfin sa mise en scène derrière un castelet, sur la base du théâtre d’improvisation à plusieurs. Je vais vous présenter ce qui me paraît en être la logique.

2 – La marionnette comme fiction du sujet 

Le procédé de fabrication utilisé est d’une grande simplicité technique, favorisant l’accès au plus grand nombre, et consiste en la réalisation d’une marotte dite à main prenante. Une marotte est une marionnette fabriquée sur la base d’un simple bâton en haut duquel est fixée une tête, et habillée d’un tissu. Notez que la marotte, bien avant d’être un type de marionnette, est au moyen-âge l’attribut bien connu du bouffon, dit également le « fou du Roi ». Elle est la parodie du sceptre du souverain. « A quelques variantes près, elle se présente toujours de la même manière, précise Maurice Lever, un bâton surmonté d’une tête de fol, coiffée d’un capuchon garni de grelots. De même que le fou est le double ridicule du roi, la marotte est le double du fou, sa propre image en miniature ; elle met le fou en abîme, elle est le fou du fou, son miroir et son reflet8. » La marotte donne droit de se moquer du ou des seigneurs sans être puni, et est considérée comme le symbole de la folie.

Ce temps de la fabrication du corps de la marionnette est la première étape importante de l’atelier. Il s’agit donc, à partir des matériaux fournis, de composer un assemblage, qui va devenir progressivement une forme anthropomorphique, l’image d’un corps donc, premier ancrage d’où va pouvoir commencer à se dialectiser la fonction de représentation de la marionnette.

Si l’on peut parfois être tant captivés par les marionnettes, c’est tout d’abord parce qu’elles procèdent du champ spéculaire, c’est-à-dire de l’image unifiante du corps. « La marionnette, comme le précise Colette Duflot, a toujours eu pour mission ancestrale de donner corps à tout ce qui n’en a pas, ou n’en a plus. Bien avant d’accéder à sa fonction purement théâtrale, elle a été convoquée pour matérialiser la présence, au cours de cérémonies rituelles, des morts et des Dieux9. »

Dans ce premier temps de la fabrication de la marionnette, toute la réalisation se déroule dans un face à face silencieux, où apparaît pas à pas le corps d’un personnage, qui sera le support de l’identification à venir. Dans le temps du jeu, à l’inverse, la marionnette est nécessairement tournée vers l’autre à qui elle s’adresse.

« C’est par la voie du regard, dit Lacan en 1975, […] que le corps prend son poids. » « L’homme est capté par l’image de son corps. Ce point explique beaucoup de choses, et d’abord le privilège qu’a pour lui cette image. Son monde, si tant est que ce mot ait un sens, son Umwelt, ce qu’il y a autour de lui, il le corpo-réifie, il le fait chose à l’image de son corps10 ». En somme, si l’homme investit ce qu’il y a autour de lui, les objets du monde, de son monde, c’est tout d’abord parce qu’il a investi préalablement l’image de son corps, narcissiquement, figurant donc le premier objet duquel il reste captif (il l’adore, dira Lacan). « Son monde, […] il le fait chose à l’image de son corps ». C’est donc ainsi sur un mode imaginaire, que le monde est tout d’abord situé, repéré, c’est-à-dire identifié comme, ainsi que le sujet s’est lui-même identifié comme objet. Lacan précise que le stade du miroir est à comprendre comme une identification, à savoir « une transformation produite chez le sujet » ; voilà l’enjeu.

Ces identifications imaginaires ont donc un impact considérable sur la vie du sujet, puisqu’elles lui confèrent, comme à son monde, une consistance à laquelle il ne peut qu’être attaché, et ce d’autant plus passionnément qu’il en ignore et la raison et l’existence. C’est que cette forme de l’image spéculaire du corps « situe l’instance du moi, dès avant sa détermination sociale, dans une ligne de fiction, à jamais irréductible pour le seul individu11 », souligne Lacan. Autant dire qu’on mésestime la prégnance de ce champ spéculaire qui s’impose avec force sur nos vies.

A sa manière, Foucault propose à mon sens une remarquable description phénoménologique de cette aliénation imaginaire, en rendant compte de son caractère implacable, dans une des deux conférences prononcées à la radio en 1966. Dans celle précisément intitulée « le corps utopique », parlant de son corps comme lieu, il nous dit : « À ce lieu-là, dès que j’ai les yeux ouverts, je ne peux plus échapper. […] je ne peux pas le laisser là où il est pour m’en aller, moi, ailleurs. […] il sera toujours là où je suis. Il est irréparablement, jamais ailleurs. Mon corps, c’est le contraire d’une utopie, ce qui n’est jamais sous un autre ciel, il est le lieu absolu, le petit fragment d’espace avec lequel, au sens strict, je fais corps. » Ainsi, affirmera-t-il, « Mon corps, topie impitoyable. […] tous les matins même présence, même blessure », car on ne peut échapper à ce qu’il reconnaît comme « inévitable image qu’impose le miroir ». Mais, finira-t-il par nous dire, ce corps est « le lieu sans recours auquel je suis condamné […] je pense après tout que c’est contre lui et comme pour l’effacer qu’on a fait naître toutes les utopies […]. L’utopie, c’est un lieu hors de tous les lieux, mais c’est un lieu où j’aurai un corps sans corps […] utopie d’un corps incorporel12. » Celui qu’on trouve au pays des fées, des magiciens, et du théâtre de marionnettes, pourrais-je ajouter, où les identifications imaginaires trouvent un peu de jeu. Foucault conclut que le corps est finalement « le point zéro du monde13 », le lieu à partir duquel sont nées toutes les utopies, dont une très fameuse est l’âme. Corps utopique donc, topie impitoyable tout aussi bien, le corps spéculaire auquel nous sommes comme rivés est ce qui nous localise dans l’espace, et conduit à cette expérience de l’impossibilité à se départir de soi, telle qu’en témoigne ici Foucault, mais de là parfois également à celle de l’étrangeté d’être soi14.

La captation narcissique qu’opère bien souvent la marionnette, nous la constatons très régulièrement dans l’atelier. Le visionnage après-coup des séances de jeu filmées tout particulièrement, amène souvent un grand enthousiasme à voir sa marionnette animée. De même, une fois la session d’atelier terminée, le moment du bilan venu, il est laissé la possibilité à chaque participant de décider du sort de sa marionnette. Très rarement, est fait le choix de laisser sa marionnette à l’hôpital, chacun préférant la ramener chez lui, pour la montrer à ses proches notamment, pas toujours d’ailleurs avec le succès escompté.

C’est que cet investissement, quand il existe, n’est pas facilement partageable, et cela doit être un point d’enseignement pour les soignants. En effet, à notre regard par exemple, une marionnette peut sembler bien inesthétique, sans intérêt, curieuse, voire parfois même effrayante. Si un accompagnement pour effectuer des rectifications doit s’opérer, ce ne peut être qu’à la demande du patient, et non sur la sollicitation du soignant !

Nous sommes souvent très surpris qu’une marionnette ayant pris une forme tout à fait singulière coïncide avec une forme idéale pour le sujet lui-même. Ainsi, dernièrement, une participante habituée à l’atelier a tenu à positionner une des oreilles de sa marionnette clairement derrière la tête, tout en ayant le souci que formellement toutes les deux soient bien identiques.

Mais cet investissement, à l’inverse, peut s’avérer parfois très délicat. Certains participants même ne parviendront pour ainsi dire jamais sur la totalité du temps d’une session à investir cet objet, qui peut au mieux le confronter à beaucoup de perplexité (comme cela a été présenté lors de l’exposé précédent avec la situation d’Éric), ou lui être totalement indifférent (comme ce fut le cas d’un participant qui a rencontré de grandes difficultés dans la fabrication de sa marionnette, n’a jamais pu la faire exister derrière le castelet, mais a trouvé une place dans le dispositif en s’installant derrière la caméra !) Qu’un sujet investisse le dispositif est toujours de l’ordre du pari. Toutes ces variantes et toutes ces nuances sont très intéressantes à observer et très importantes à prendre en compte pour la direction à suivre avec chacun.

Mais retenons que la conscience de soi, qui trouve une grande part de son fondement sur l’image du corps, est en vérité peu interrogée dans notre expérience vécue, et même s’impose le plus souvent comme une évidence existentielle. C’est justement ce que la souffrance, ou bien les phénomènes de dépersonnalisation ou de discordance, par exemple, attestés dans la clinique, viennent faire vaciller de manière foncière, ébranlant dans la sidération ou le questionnement les certitudes sur lesquelles reposait jusqu’alors ce qu’on pensait être, ou le sentiment même de son identité.

Notre objectif doit-il être alors de tenter une rectification de cette personnalité troublée, ou bien d’en prendre enseignement, de ne pas trop s’effrayer, afin de ne pas céder sur la possibilité d’une « mise en jeu » de l’identité du sujet ? Entendons qu’il ne s’agit nullement ici de rechercher ou entretenir une déstructuration de l’image du corps, mais de proposer un dispositif à l’intérieur duquel se maintienne la possibilité du questionnement d’un sujet face à la précarité d’un ancrage imaginaire !

Un tel attachement à l’illusion de la totalité, aussi narcissisant et normalisant qu’il puisse être, est un principe de méconnaissance au regard de l’être même du sujet. Il y a de l’hubris dans cette image, une prétention démesurée du sujet à croire pouvoir être dans une saisie de lui-même par lui-même, directement, sans aucune médiation. A suivre le mythe de Narcisse, la méconnaissance de cette démesure n’est pas sans risque, n’offrant aucune issue.

L’atelier marionnette, comme beaucoup de pratiques dites justement « de médiation » qui ont cours dans les institutions psychiatriques, mobilise toujours un peu ce jeu dialectique existant entre le sujet et sa représentation, et ainsi en favorise, sinon la prise de conscience, du moins sa prise en compte par son usage. Ainsi, dans notre cadre, est-il imposé pour chaque patient qui souhaite participer à nouveau à une session de l’atelier, de re-fabriquer une marionnette, de répéter cette expérience de mise en forme.

Mais cette défaillance de l’image à représenter idéalement le sujet transparaît d’elle-même également au cœur de cette phase, au travers des ratés qui, eux, ne manquent jamais au rendez-vous. La distance entre soi et la marionnette, où le sujet se voit autre qu’il n’est, apparaît alors souvent dans la douleur d’un affect de dépréciation, de honte, de culpabilité, ou encore de déception, où s’ouvre la possibilité d’un appel à l’autre secourable, auquel nous répondons. « Elle est moche ma marionnette ! » « Je suis nul ! » « Ah non, c’est pas ça que je voulais ! » etc.

La série des marionnettes fabriquées, comme ces moments difficiles, révèlent que le fond même de ce premier temps de l’atelier est l’expérience d’un point d’impossible à imaginariser, présence d’un reste, lui toujours non spécularisable, témoignant de l’existence d’un sujet divisé.

C’est à partir de ce reste inaliénable où se constitue l’appel à l’Autre, que vont pouvoir être trouvés le langage et la parole comme recours face à cet insituable.

« Marionnette qui es-tu ? », voici comment d’ailleurs un patient, un jour, dans un face à face avec sa marionnette, est sorti du silence de la phase de fabrication. C’est à ce point-là que la question de l’identité du personnage prend le relais.

3 – L’identification de la marionnette : question pour un sujet sans identité

A la toute fin du temps de fabrication de la marionnette, se pose donc la question de « son » identité… Moment charnière, de passage de l’inanimé à l’animation derrière le castelet. C’est une phase souvent difficile, puisqu’il s’agit d’inventer ce personnage, bien évidemment, vous l’aurez compris, à partir de rien ou presque.

La consigne donnée consiste à insister sur le fait que cette identité ne peut être empruntée à un personnage de fiction déjà existant, qu’il vienne du monde des marionnettes, de la littérature, du cinéma, de l’univers de la BD, etc. Elle ne peut pas davantage correspondre à une personne de la réalité, proche ou non, ni coïncider avec le projet d’un autoportrait. Elle doit juste être une invention du sujet, la création à partir de soi, d’un nouveau personnage que jusqu’alors personne ne connaît.

La marionnette est l’acteur d’un seul rôle, et donc, là aussi nécessairement, chaque participation donnera l’occasion de reposer la question des identifications, et ouvrira sur l’invention d’un nouveau personnage à mettre en jeu. La carte d’identité de la marionnette correspond aux coordonnées subjectives minimales, conventionnelles, données à partir de la conscience de soi-même. Âge, sexe, situation familiale, situation professionnelle, éventuellement histoire de vie… Autant de coordonnées du lien social qui vont favoriser les interactions entre personnages. Si un patient souhaite faire de sa marionnette un extra-terrestre par exemple, comme nous l’avons déjà rencontré, nous l’accompagnons à faire l’expérience de la difficulté après-coup pour sa mise en jeu.

Difficile en effet d’entrer en relation avec un « Vénusien » dont la tête est recouverte de cheveux, laissant comprendre une absence de visage, qui n’a aucune filiation, aucune origine, pas de parents, et dont le langage ne serait pas alors articulé dans la parole.

Face à la limite imposée par le cadre, une autre identité a vu le jour, sous les traits d’un saltimbanque, vivant de cueillette de fleurs sauvages vendues sur le marché, fils adoptif d’un directeur de cirque et d’une trapéziste.

Difficile également d’entrer en relation avec une adolescente de dix-sept ans, princesse égyptienne vivant il y a 4000 ans. Cette fois, la contrainte du cadre n’a pas conduit à une redéfinition de l’identité mais à une invention collective de mise en scène, qui consistera à devoir boire une potion magique permettant de voyager dans le temps à chaque fois qu’il devra y avoir rencontre avec les autres personnages, ceux-là bien ancrés dans le présent.

Une fois l’identité fixée, la marionnette au travers du personnage créé va pouvoir s’animer, prendre vie en même temps que la parole dans la relation avec ses partenaires de jeu. Mais tout d’abord, elle se présente seule face au public pour sa première apparition sur la scène.

Qu’est-ce qui est au fondement de cette identité ? Si la marionnette fabriquée est un tenant-lieu du corps du sujet, dont nous venons de voir la structure spéculaire, l’identité inventée quant à elle ne donne pas une consistance à partir du regard, mais de la voix, puisqu’elle est déclarée. Nous insistons à ce titre beaucoup entre la phase de fabrication et celle du jeu pour que l’identité du personnage reste secrète. La marionnette ne prend véritablement vie qu’une fois passée derrière le castelet, où elle va s’animer et prendre la parole pour la première fois, pour se présenter et faire ainsi exister son monde, celui du théâtre.

C’est avec les mots cette fois (et le mouvement également dans une certaine mesure), que le sujet va tenter de se présentifier. Cette inscription de la marionnette dans le champ des rapports signifiants, à partir de quoi elle prend une signification, lui permet de devenir un personnage articulable à d’autres. Être un homme ou une femme par exemple, ne sont pas des données de la nature (mâle ou femelle), mais des signifiants sous lesquels il est possible de se loger, et qui permettent de s’articuler, avec plus ou moins de bonheur !

L’identité ne se voit pas, elle s’énonce, elle n’est pas facilement repérable sur le corps de la marionnette. Pour en soutenir « l’ancrage », nous invitons les participants à l’écrire sur une feuille de papier, qu’ils conservent le temps de la session. Si l’investissement est parfois difficile dans la phase de fabrication, là aussi la fixation de cette identité peut s’avérer très fragile. Or, ici, les conséquences ne sont pas les mêmes ; en cas d’oubli, c’est l’identité elle-même, soit le personnage qui risque de disparaître.

J’entends encore le cri de détresse d’une patiente schizophrène, véritable appel au secours qui m’était adressé, car elle avait tout oublié ! C’est que la possibilité d’attribuer une identité à sa marionnette est en rapport étroit, fait écho, si je puis dire, avec les identifications, symboliques cette fois, du sujet. La même patiente a participé à de nombreuses sessions et pu conférer des identités bien différentes à ses marionnettes. La première fut un maître-nageur, car, lors de la fabrication, la tête de la marionnette lui échappant est tombée dans un bol d’eau, et « plouf ! », dira-t-elle amusée. Notre surprise à nous, c’est lorsque le personnage s’est présenté sur scène : « Bonjour, je m’appelle Plouf et je suis maître-nageur » ! Le second personnage a été un berger, dont le prénom choisi fut Echo, justement parce que sa propre voix lui revenait de la montagne en écho (miroir sonore). Aujourd’hui, les personnages inventés sont plus consistants dans leur identité et s’organisent beaucoup autour de la voix précisément : étudiante en coiffure rêvant de devenir chanteuse, ou bien star internationale qui signe des autographes et qui est aimée et admirée. Quelque chose se précise progressivement comme demande d’amour, articulée à un idéal. Les ancrages imaginaire et symbolique sont très étroitement intriqués, on le déduit ici à partir de la clinique, et c’est un fait de structure subjective telle qu’elle a été conçue par Lacan.

Ces identifications en tant qu’aliénantes, autrement dit permettant de se re-lier, favorisent le lien social. Notre dispositif de théâtre de marionnette, tel que nous y avons recours, serait-il alors un moyen comme un autre de révéler l’existence de troubles identificatoires, et ainsi de contribuer à en faire le diagnostic avec une certaine finesse ? Et, encore une fois, aurait-il également pour vertu de soutenir une correction de ces troubles, de façon à tendre vers une meilleure adaptation, voire une normalisation du lien social, si souvent perturbé chez nos patients en psychiatrie ?

Ou bien est-ce que ce dispositif au cœur même de l’univers médical de la psychiatrie offre l’alternative, pour les patients qui s’y engagent, d’un véritable « accueil psychanalytique », ainsi qu’a pu s’exprimer très récemment Colette Soler. Autrement dit « une offre contre le refoulement15», précise-t-elle. Un accueil qui n’est pas contre la tendance normalisante de la psychiatrie d’aujourd’hui, pas une opposition ni une révolte donc, mais pas non plus une adhésion. Un accueil qui favorise un lien « thérapeutique » averti, dirais-je, par l’expérience de la psychanalyse, et qui en tire enseignement. Un lien qui ne répond pas à la demande d’amour, sans pour autant rejeter, exclure ou être indifférent. Autrement dit, un lien qui ne répond pas au besoin des identifications aliénantes, tout en reconnaissant l’utilité !

Si ce dispositif des marionnettes favorise un tel accueil, est-ce à dire que, sans correspondre au dispositif de la cure type, il en est une variante ou disons un aménagement, un certain agencement ? Et si cet accueil analytique est une offre contre le refoulement, visant donc le sujet de l’inconscient, est-ce à dire que ce dispositif ne pourrait prétendre à des effets qu’au regard de sujets névrotiques, excluant tout intérêt pour les psychoses, autrement que utopique ? Voilà ce qui va devoir faire l’objet de ma conclusion.

4 – L’identité, une quête pour tout sujet 

La fabrication d’une marionnette, la création d’un personnage et sa mise en jeu avec d’autres fait écho à ce qui est à l’œuvre chez tout sujet, comme tentatives pour se donner un peu de consistance et de sens à partir desquels se repérer. Tentatives qui, malgré les satisfactions narcissiques obtenues, restent vaines car marquées du sceau de leur échec, inscrivant ainsi une logique de répétition, et au mieux un questionnement sur son identité, lorsqu’elle fait énigme.

C’est que, comme nous l’avons vu, ce qui est au fondement du recours à la marionnette est la mobilisation des identifications imaginaires et symboliques du sujet, dont la caractéristique est de s’efforcer à dire ce qu’il est, sans jamais y parvenir totalement. Colette Soler, à partir de Lacan, nous dit que « dénoncer » ces identifications, c’est-à-dire « mettre en évidence leur échec au fur et à mesure de leur repérage, soit leur impuissance à saturer la question du que suis-je ? est la tâche qui peut être assignée à la psychanalyse16 ». Une tâche donc de désidentification, pour ainsi dire, ou mieux, de mise à nu du sujet.

Mais si ces identifications ne peuvent qu’échouer, quelle peut bien être leur utilité ? Eh bien, précisément à donner de l’étoffe à ce qui n’en a pas, à habiller le sujet. L’habit toutefois ne fait pas le moine (le Moi n’est pas le sujet), mais malgré tout il ouvre les portes du monastère (on peut s’y méprendre et ça facilite les relations sociales).

En somme, si ces identifications signifient le sujet, en sont des représentantes, elles ne parviennent pas à dire pour autant ce qu’il est en vérité, puisqu’elles ne peuvent s’y substituer autrement que dans cette fonction de délégation. Le sujet reste donc quant à lui toujours en retrait vis à vis des identifications, soit un non identifié, un exilé de l’identité.

C’est sa structure même, telle que Lacan en a proposé la saisie, qui en rend raison dans une logique de subversion par rapport à son acception commune, en en faisant un effet du langage (sur l’organisme vivant). C’est bien connu comme Lacan en rappelle la formulation à la première séance de La logique du fantasme : « il n’y a de sujet que par un signifiant et pour un autre signifiant ». Et de préciser, le signifiant, « en tant qu’il tient lieu du sujet, ne fonctionne que pour un autre signifiant. L’Urverdrängung ou refoulement originaire c’est ceci : ce qu’un signifiant représente pour un autre signifiant. […] Si nous appelons cela Urverdrängung, ça veut dire que nous admettons […] qu’un sujet émerge à l’état de sujet barré, comme quelque chose qui vient d’un lieu où il est supposé inscrit, dans un autre lieu où il va s’inscrire à nouveau17. » Et cela, pourrais-je ajouter, pour tout sujet.

Le sujet n’est pas purement de l’ordre signifiant ; il est bien une production du langage comme effet de manque sur le vivant de l’organisme, qui de fait se transforme et s’en trouve dénaturé. Ainsi, « En même temps qu’il se fait représenter par la chaîne de sa demande, le sujet fait son entrée dans le réel, insiste Colette Soler, comme poussée libidinale, exigence dont toute la question est de savoir ce qu’elle est, car en tant que représentée elle reste indéterminée18. » C’est notre condition d’être parlant.

L’être du sujet reste donc indéterminé et aucune identification ne peut résoudre son énigme, et ce quelle que soit la structure clinique. La fonction des identifications est bien plutôt de boucher le trou, de « l’habiller sans parvenir à faire le moine19 ».

A partir d’un commentaire très éclairant du graphe du désir, Colette Soler met en question les liens entre les identifications et le Phallus20, ainsi que l’indépendance de celui-ci vis-à-vis de la fonction paternelle. Je ne rentrerai pas ici dans les détails de cette argumentation technique, mais souligne simplement l’importance du questionnement soulevé, ne serait-ce que vis -à -vis de la thématique de ces deux journées.

« L’enjeu de la question n’est pas mince », nous avertit-elle, « car c’est celui de la conception même de la psychose ». En effet, « au départ elle a été toute entière pensée » comme « absence de l’opération de phallicisation du manque qui passait par le Père, à partir de quoi on a continué à répéter : pas de signification phallique dans la psychose pour cause de forclusion du nom-du-père, donc pas de castration et… pas de désir. Là, tout est à refaire21 », affirme-t-elle ! C’est peut-être à ce prix que le dispositif freudien aura des chances d’être moins excluant à l’endroit de la psychose et notamment de la schizophrénie.

L’usage que nous faisons du théâtre de marionnettes ne relève pas (dans son maniement du transfert, dans son cadre collectif, sa technique, etc.) strictement de ce dispositif freudien, et n’en constitue pas même une variante. Il en est un aménagement, et à ce titre procède de son éthique, dont il démontre l’efficace.

Ainsi, dans l’argument de ce stage, il était d’emblée pointé l’insaisissable de la schizophrénie, souvent située, rappelle-t-on, par la négative, comme ce qui n’est pas la paranoïa. Est-ce à dire qu’au regard de la paranoïa, la schizophrénie serait un non-lieu ou plus justement, pour reprendre le terme de Foucault, une hétérotopie ? Inversement, la paranoïa semble quant à elle beaucoup plus facile à situer. Comment le comprendre ?

C’est qu’il n’y a pas besoin d’être psychotique pour être paranoïaque, la paranoïa est de l’ordre du commun. Lacan, en 1976, dit même que « c’est un état normal. Il n’y a rien de plus normal que d’être paranoïaque22 », précise-t-il !

L’histoire et notre actualité nationale et internationale le démontrent en ce moment presque chaque jour… Il n’est en effet pas très difficile de suivre une théorie du complot. La paranoïa, ça peut passionner les foules !

En revanche, il est beaucoup moins probable d’adhérer à un délire paranoïde. La schizophrénie ne fait pas facilement lien social. Peut-être même dans une certaine mesure vient-elle dénoncer, et non sans ironie23, la vanité de toute tentative pour situer, localiser, le sujet. En cela, la rencontre avec le sujet schizophrène peut être fort déroutante, voire odieuse et obscène. Le recours à la peinture de Jérôme Bosch utilisée comme fond pour l’affiche de ces deux jours le démontre pour une part.

C’est que la clinique de la schizophrénie dénude parfois brutalement la structure subjective24 que nous avons en partage. Mais ne pas reculer, c’est-à-dire prendre enseignement de cette étrangeté souvent déconcertante qui résonne en nous, est probablement là aussi le prix à payer pour limiter les effets de ségrégation à son endroit. C’est ce à quoi prétend et contribue pour une part, il me semble, notre atelier marionnettes mené au sein de l’institution psychiatrique d’aujourd’hui.

1 LACAN J., « Ouverture de la section clinique », Ornicar ?, n° 9, 1977, p.7-14.

2 OURY J., « Analyse structurale et métapsychologie », Psychoanalytische Perspectieven, 27, 1-2, Gand, 2009, p.153-173.

3 DEOTTO F., « Sur les lieux de l’utopie – D’un nom propre à un nom commun », A contrario, 2022/1, n° 33, BSN Press.

4 Pour plus de précisions concernant la définition du terme utopie et sa mise en question, on peut se reporter à ROUVILLOIS F. : L’utopie, Paris, Flammarion, 1998.

5FLEURY R., SERMON J., Marionnettes et pouvoir : censure, propagandes et résistances, Montpellier, Deuxième époque, 2019.

6 FOUCAULT M., Le corps utopique, les hétérotopies, Nouvelles éditions lignes, 2009.

7 LACAN J., « Ouverture de la section clinique », Ornicar ?, n° 9, 1977, p.7-14.

8 LEVER M., Le sceptre et la marotte, histoire des fous de cour, Paris, Fayard, 1983, p.54.

9 DUFLOT C., Des marionnettes pour le dire, entre jeu et thérapie, Marseille, Hommes et perspectives, 1992, p.31.

10 LACAN J., La conférence de Genève « Le symptôme », Le Bloc-notes de la psychanalyse, 1985, n° 5, p.5-23.

11 LACAN J., « Le stade du miroir comme formateur de la fonction du je », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p.94.

12 FOUCAULT M., « Le corps utopique », Nouvelles éditions lignes, 2009, p.9-10.

13 Ibid., p.18.

14 SOLER C., Vers l’identité, Collège clinique de Paris 2014-2015, Paris, Éditions du Champ lacanien, 2015, p.10.

15 SOLER C., « La psychanalyse, un accueil », intervention à la journée de l’Association des centres d’accueil psychanalytique du Champ lacanien (ACAP-CL) consacrée à l’Accueil psychanalytique, le 29 mars 2025.

16 SOLER C., ibid., p.34.

17 LACAN J., Le Séminaire Livre XIV, Logique du fantasme, [1966-1967], Staferla.free.fr, p.9.

18 Ibid., p.31.

19 Ibid., p.34.

20 SOLER C., ibid., p.48-49. Pour le dire succinctement, Colette Soler s’interroge sur l’apparente absence du Phallus dans le graphe du désir. Avec Lacan, elle en retrouvera la présence opérante comme voilée. En tant que signifiant, c’est au lieu de l’Autre qu’on serait à même de le rencontrer. Mais n’y opérant que comme voilé, désignant tous les effets du signifiant sur le vivant-organique, effets de manque, il ne peut se reconnaître dans ce lieu que comme désir de l’Autre, comme énigme. Ainsi, précise-t-elle « à défaut de savoir de ce que vise le désir, l’objet qu’il cible, on convoque les identifications » imaginaires et symboliques. Ce « sont elles qui ont une fonction de voile », comme voile du manque de l’Autre et qui ainsi se font « propices à satisfaire la demande d’amour ».

21 SOLER C., ibid., p.55. Par ailleurs, notons que C. Soler revient ici de manière radicale sur la position qu’elle soutenait en 1999 dans son article « Le dit schizophrène », publié dans L’inconscient à ciel ouvert de la psychose, Toulouse, PUM, 2008, p.123.

22 LACAN J., « De James Joyce comme symptôme », conférence du 24 janvier 1976 au Centre Universitaire Méditerranéen de Nice, Le croquant, n ° 28, novembre 2000.

23 LACAN J., « Réponses à des étudiants en philosophie », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p.209. « Quand vous aurez la pratique du schizophrène, vous saurez l’ironie qui l’arme, portant à la racine de toute relation sociale ».

24 Ainsi que peut en témoigner l’œuvre d’Antonin Artaud, par exemple la lettre du 29.01.1924 adressée à J. Rivière, dans l’Ombilic des limbes, Paris, Gallimard, 1954, ou bien encore le poème « Dix ans que le langage est parti », dans Antonin Artaud Œuvres, Paris, Gallimard, 2004, p.1512.