L’amour du prochain

Faisant suite à un travail en cartel sur le séminaire L’Éthique de la psychanalyse,  j’ai souhaité reprendre  la question de l’amour du prochain comme fil conducteur.

Comme mes collègues l’ont exposé avant moi, dans Malaise dans la civilisation, Freud dans le chapitre V, tente de réfléchir à la nécessité d’une restriction de la vie sexuelle pour « unir entre eux les membres de la société par un lien libidinal (1)»  et ceci au moyen d’une forte identification. Parce qu’il en vient à s’interroger sur cette maxime qui est une des exigences idéales de la société civilisée : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même »,  Freud ne peut réprimer un sentiment de surprise et d’étrangeté à l’égard de ce devoir. Car dit-il : «  mon amour est un bien précieux, qui a de la valeur, que je n’ai pas le droit de gaspiller sans raison, sans en rendre compte. Cet amour m’impose des devoirs que je dois être prêt à m’acquitter au prix de sacrifices. De sorte que si j’aime quelqu’un d’autre, il doit d’une certaine façon mériter cet amour(2) », de plus cette loi d’amour paulinienne comporte une rallonge avec : « Tu aimeras aussi tes ennemis. »  Pour Freud, ce commandement est intenable,  il exige de l’homme une tâche démesurée, car l’homme est, et reste mené par ses pulsions d’agressivité.  Par conséquent, le prochain n’est pas seulement quelqu’un qui peut l’aider ou un objet sexuel possible, mais un objet de tentation, sur lequel il va satisfaire son agression. Ce commandement est-il comme certaines croyances : crédo quia absurdum, c’est-à-dire incompatible avec la raison ?

Lacan s’attarde durant quelques chapitres sur ce commandement dans Le Séminaire VII, l’Ethique de la psychanalyse.  Que veut-il-nous faire entendre en reprenant ce qu’il dit être une question qui traverse toute l’œuvre de Freud ? Car, dit-il notamment dans Malaise dans la civilisation, « c’est de là qu’il part, contre cela qu’il reste, et là-dessus qu’il termine. Il ne parle que de cela(3). »

En quoi éclaircir ce commandement chrétien, peut nous aider à comprendre le rapport du sujet à l’autre ?  Quel rapport avec la chose, concept clefs emprunté à Freud à partir de l’Esquisse d’une psychologie scientifique et traduction de das Ding(4) ? Voilà ce que je voudrais  éclairer, ou du moins témoigner de ce que j’en ai compris.

 

Revenons à ce précepte d’un point de vue religieux 

La loi d’amour, Agapè, dit : « Tu aimeras le seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur », et  « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Cette loi se trouve dans l’Ancien Testament. Mais le christianisme avec Matthieu le reprend et en donne un sens tout nouveau. Ce commandement va prendre une portée universelle, là où, dans le judaïsme, elle n’était que particulière. Alors que les Juifs appliquaient à la lettre le principe de la justice distributive : aimer ceux qui nous font du bien,  le précepte repris par Matthieu devient « Vous avez appris qu’il a été dit : œil pour œil, et dent pour dent. Et moi je vous dis : ne résisterez pas au mal » (tend la joue) (Mathieu, 5, 38). Là où les Juifs interprétaient l’impératif d’aimer en disant : « Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi », le christianisme commandait d’ « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » Ainsi la position de Dieu à l’égard des hommes n’est plus régie par la justice distributive, celle qui punit et récompense, mais par l’Agapè, l’amour. Dés lors, on peut remarquer que ce renversement fait surgir la figure d’un Dieu dont la volonté n’est pas maîtrisable, et n’est pas déductible de la conduite du sujet. L’amour chrétien se déduit de l’amour de Dieu pour l’homme.

Comme nous l’avait déjà exposé Roger Mérian, le Dieu Paulinien est amour, cet amour de Dieu c’est aussi ce qui va faire lien entre les sujets, qui va faire groupe rassemblant des personnes avec un même « dénominateur commun(5) ». La croyance dans l’amour de Dieu rassemble et constitue une illusion, c’est-à-dire un dérivé du désir humain, qui sert à réprimer les pulsions instinctives, nous dit Freud dans L’avenir d’une illusion. Il place l’amour comme un fondement de la civilisation, mais à la fois comme il le remarque dans Malaise dans la civilisation ceci a des conséquences de ségrégation. « Lorsque l’apôtre Paul eut fait de l’amour universel des hommes le fondement de la communauté chrétienne, la plus extrême intolérance de la part du christianisme à l’égard des non-convertis fut la conséquence inévitable(6). » C’est le terreau de ce qu’il nomme sous le terme de narcissisme des petites différences.

 

Nebenmensch

Le prochain, ce qui est le plus proche, trouve d’abord une première occurrence dans l’œuvre de Freud, dans l’Esquisse  avec   ce signifiant Nebenmensch, que l’on peut traduire pour mensch, par être humain, et neben, par à coté, voisin, prochain.  Cet humain proche est un point pivot pour le nourrisson qui est en proie à des sensations, des souffrances, c’est-à-dire, un état initial de malaise qui pourra trouver écho que si ce proche en accuse réception. Cela en passe par le cri, mais il faut tout un appareillage pour que puisse s’effectuer la réception de ce cri qui va alors se faire comprendre. Freud parle du complexe de Nebenmensch car « l’éveil de la connaissance est donc dû à la perception d’autrui(7) ». Freud écrit : « Supposons que l’objet perçu soit semblable au sujet qui perçoit, c’est-à-dire un être humain. L’intérêt qu’il suscite s’explique par le fait que c’est un objet du même ordre qui a apporté au sujet sa première satisfaction (et aussi son premier déplaisir) et qui fut pour lui la première puissance. […]. Le complexe d’autrui se divise ainsi en deux parties, l’une donnant une impression de structure permanente et restant un tout cohérent, (das Ding) tandis que l’autre peut être comprise par une activité mnémonique, c’est-à-dire attribuée à une annonce que le corps propre du sujet lui fait parvenir(8).»

Lacan reprend cela comme étant la première appréhension de la réalité, une « réalité qui a rapport le plus intime du sujet – le Nebenmensch, formule tout à fait frappante pour autant qu’elle articule puissamment l’a-coté et la similitude, la séparation et l’identité(9). »   Puis Lacan revient sur traduction dans l’esquisse, pour lui erronée de « restant un tout cohérent », pour « als ding ». C’est ainsi qu’il s’efforcera de ne pas traduire ce das Ding, pour en garder le sens freudien de la chose. Ce Nebenmensch, ce prochain prend différents caractères à la fois et il se constitue dans un rapport le plus étroit avec das Ding.

 

Nebenmensch et das ding

C’est dans ce séminaire de l’Ethique de la psychanalyse que Lacan va s’attarder très longuement sur ce concept de la Chose, à partir du das Ding freudien. C’est un temps primordial dans la constitution du sujet, « un point initial logiquement et chronologiquement, de l’organisation du monde dans le psychisme – se présente et s’isole comme le terme étranger autour de quoi tourne tout le mouvement de la Vorstellung(10), ».  Un moment où « la structure signifiante s’interpose entre la perception et la conscience(11) » avec un élément isolé par le sujet comme étranger, enfremdet. Das ding est « hors signifié(12) », c’est ce vide central qui va se constituer  dans le premier rapport  du petit humain au prochain, au nebenmensch, divisé entre une partie identifiable,   que je reconnais par  un certain nombre de qualités qui permettront de le retrouver dans la réalité pour la satisfaction des besoins et que je peux ramener à ce que je connais en moi,  et une partie projetée dans un premier dehors. Ce das Ding est cet « Autre préhistorique dont Freud nous affirme la nécessité de la position première sous la forme de quelque chose qui est enfremdet, étranger à moi tout en étant au cœur de ce moi, quelque chose qu’au niveau de l’inconscient, seul représente une représentation(13). » C’est en quelque sorte quelque chose extrêmement intime et que l’on peut qualifier d’ «  extime ». Lacan dira : « Il s’agit de cet intérieur exclu qui, […] est aussi exclu à l’intérieur(14). »

Dans la suite des développements dont Freud fait état à Fliess et de l’élaboration de l’esquisse, puis de son articulation dans la dénégation : Freud parle d’un objet à « retrouver », « il ne s’agit plus de savoir si quelque chose de perçu (une chose), dans le moi doit être admise ou pas, mais si quelque chose de présent en moi comme représentation peut aussi, dans la perception (réalité) être retrouvée(15). »

C’est à partir de das Ding que va s’orienter le rapport du sujet à son monde des souhaits et de désirs, que va se constituer un objet à retrouver.

Ainsi, il faut noter que c’est un temps logique, il est objet à retrouver pour ensuite se dire objet perdu.  Dans ses tentatives et ses recherches le sujet ne pourra jamais retrouver que ses premières Vorstellung Repräsentanzen, organisées associativement selon le principe de plaisir.  Le support des représentations pour Freud est donc les premières traces mnésiques de la rencontre de l’objet, dont les attributs vont constituer les représentations primitives et dont une part restera en tant que Chose  hors du représentable. Le sujet est orienté et mû par une tendance à « retrouver » ; comme si toute quête de l’objet se présentait comme la quête d’un objet foncièrement perdu et comme si toute « trouvaille » de l’objet prenait le sens d’une « retrouvaille » de cet objet perdu. En superposant ces deux notions freudiennes, (notion de la chose et d’objet à retrouver), Lacan fait de das Ding le modèle même de l’objet cherché mais jamais trouvé, objet à la fois absolu et impossible à atteindre, qui engendre la tendance à retrouver alors qu’il n’a jamais été perdu puisque jamais trouvé.

C’est la loi de l’Unbewust, du principe de plaisir, qui organise ce temps logique, mais c’est au principe de réalité qui y est lié que vient s’articuler la fonction du Surmoi, qui est le fondement de la morale, et celle où commence la culture. La loi fondamentale, nous rappelle Lacan, est l’interdit de l’inceste. Et c’est  au cœur de das ding que  la mère occupe une place. En posant l’interdiction sur la mère, la loi « identifie l’inceste au désir le plus fondamental(16). »  Pourquoi ? Parce que « Le désir pour la mère ne saurait être satisfait parce qu’il est la fin, le terme, l’abolition de tout le monde de la demande qui est celui qui structure le plus profondément l’inconscient de l’homme(17). »

 

La loi et les 10 commandements

Dans la loi du décalogue, Dieu articule devant Moïse, les dix commandements, qui ne sont « destinés à tenir le sujet à distance de toute réalisation de l’inceste(18)  » et pour y faire subsister une parole. La distance de la chose est fondée sur la parole. Das Ding qui est la mère est un bien interdit, ce qui pose qu’il n’y a pas de souverain Bien. C’est contraire à ce que Aristote suppose dans l’Éthique à Nicomaque, où l’amour de l’autre dérive de l’amour de soi, dans un dispositif qui présuppose la référence à la vertu et au bien, au Souverain Bien, voire au Beau. (C’est au cœur de ce séminaire l’Ethique de démontrer qu’il n’y a pas de souverain bien ni de beau.)

Lacan va attirer notre attention sur le fait que la loi morale s’incarne dans un certain nombre de commandements. Les lois qui structurent la société se présentent comme des lois  « étroitement lié à la structure même du désir(19) ».

Ainsi reprenons ce commandement : « Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain, tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni rien de ce qui appartient à ton prochain ». Or, nous savons que convoiter la femme de son prochain est une des conditions de la vie amoureuse commentée par Freud. « Cette Loi, toujours vivante dans le cœur d’hommes qui la violent chaque jour – dit Lacan – au moins concernant la femme de notre prochain, doit sans doute avoir quelque rapport avec ce qui est notre objet ici, à savoir das Ding(20). »

Le lien du désir à la Loi était déjà inscrit par saint Paul dans L’Épître aux Romains : voilà ce que dit Saint Paul : « Qu’est-ce à dire ? Que la Loi est péché ? Certes non ! Seulement je n’ai connu le péché que par la Loi. Et, de fait, j’aurais ignoré la convoitise, si la Loi n’avait dit : Tu ne convoiteras pas. »  Lacan propose de remplacer péché par Chose : « Est-ce que la Loi est la chose ? Que non pas. Toutefois je n’ai eu connaissance de la Chose que par la Loi.  En effet, je n’aurais pas eu l’idée de la convoiter si la Loi n’avait dit- Tu ne la convoiteras pas(21) ».

La Loi vient lier le désir à la parole, ainsi dans ce commandement, « Tu ne mentiras point, comme loi, est incluse la possibilité du mensonge comme désir le plus fondamental. » De plus, nous remarquons que ces commandements sont pour la grande majorité à la forme négative et que la négation a   un lien avec la Bejahung, le jugement d’attribution.  Je laisse de coté ce point qui mériterait d’être approfondi.

Pour que quelque chose de la Loi soit véhiculée nous rappelle Lacan, il faut qu’il y est eu ce drame primordial que relate Freud dans Totem et tabou, « ce que nous enseigne Totem et tabou, c’est que le Père n’interdit le désir avec efficace que parce qu’il est mort »… et « qu’il ne le sait pas lui-même – entendez qu’il est mort. Tel est le mythe que Freud propose à l’homme moderne est celui pour qui Dieu est mort(22). » Ce qui a pour conséquence un désir plus encore menaçant et une « interdiction plus nécessaire et plus dure(23) », c’est là que la culpabilité trouve ses racines. Dieu est mort, mais à la fois il est « vivant du vide laissé par sa mort(24) ». Puisque Dieu est mort la jouissance est interdite, mais comme le fait remarquer Freud dans Malaise dans la civilisation, la jouissance est un mal. Lacan le formule à propos de das ding qui se présente au niveau de l’expérience de l’inconscient comme ce qui fait la loi, mais une loi de caprice et d’arbitraire. Là où Freud relève « la tendance native de l’homme à la méchanceté, à l’agression, à la destruction, et donc aussi à la cruauté(25). » Ainsi après le pacte du meurtre accompli, il y a le retour de l’amour. Mais  Freud, nous dit Lacan, s’arrête sur l’amour de Dieu et par là même sur l’amour du prochain.

Aime ton prochain comme toi-même

Freud est littéralement horrifié devant l’amour du prochain. Le prochain   est ici der Nächste en allemand. Ce que Freud met en avant, est que « le prochain est un être méchant(26) ». La jouissance est un mal, parce qu’elle comporte le mal du prochain, et que cela pose le problème de l’amour du prochain.

Il est certes de la nature du bien, d’être altruiste, mais c’est à différencier de l’amour du prochain.  L’altruisme, c’est donner son manteau à quelqu’un qui en a besoin, comme Saint-Martin, ce n’est qu’un bout d’étoffe, on fait que répondre par de la bienfaisance. Au fond, nous fait remarquer Lacan, cela revient à monnayer de l’utile. L’utilitarisme est à la base de notre société moderne dans le fait d’établir ensemble et d’apporter des biens tels qu’ils apportent du bien à tous.

Mais donner de l’amour, c’est tout autre chose.

Dans aimer son prochain comme moi-même, on rencontre la méchanceté foncière qui habite le prochain, comme on sait qu’elle habite aussi en moi-même.

Qu’est-ce que s’aimer soi-même ? Lacan y répond de façon simple et claire dans le discours aux catholiques : ce que j’aime en moi, ce n’est pas ce corps réel, qui m’échappe, mais « sa gestalt, sa forme….Je m’aime moi-même en tant que je me méconnais essentiellement, je n’aime qu’un autre(27) », le petit autre que nous connaissons comme référence au stade du miroir, i(a). Cependant, on sait que les images sont trompeuses, qu’il y a un vide au-delà de la capture imaginaire. Le semblable est un leurre, qui pose la question de : qu’est que l’autre. Lacan l’illustre par son apologue des pots de moutarde et de confiture vides, ces pots sont tous identiques et enserre un vide, le même, il ne peut y avoir que l’étiquette pour les différencier.

La résistance devant ce commandement est la même résistance que celle qui s’exerce pour entraver l’accès à la jouissance. Alors, Lacan interroge : « qu’est ce qui m’est plus prochain que ce cœur en moi-même qui est celui de ma jouissance, dont je n’ose m’approcher(28) ? »  Le sujet recule devant sa jouissance, de même qu’il recule à aimer son prochain comme lui-même touchant alors ce qui participe d’une « intolérable cruauté(29). »

Le sujet recule car il doit pour y accéder transgresser les lois, ce qui n’est pas sans une certaine jouissance. Qu’est ce qui l’arrête ? Il rebrousse chemin que lorsqu’il y a identification à l’autre, il ne peut attenter à l’image de l’autre, image sur laquelle il est formé comme moi. « Nous sommes en effet solidaires de tout ce qui repose sur l’image de l’autre en tant que notre semblable(30). »

Seul Sade nous montre la limite, il s’approche au cœur de cette cruauté foncière. Il nous fait découvrir cette jouissance non pas comme une satisfaction attendue et recherchée, mais comme ce mal absolu que désigne la chose.  Sur le chemin de Sade qui « démonte la structure imaginaire de la limite », et« quand on avance dans la direction de ce vide central en tant que c’est jusqu’à présent sous cette forme que se présente l’accès à la jouissance, le corps du rochain se morcelle(31). »

Dans son séminaire d’un Autre à l’autre, Lacan revient sur le point. Il dit que le Nebenmensch résonne avec ce prochain du commandement que je dois aimer. Ce prochain n’est pas l’Autre « qui me sert à faire fonctionner la présence de l’articulation signifiante …Le prochain, c’est l’imminence intolérable de la jouissance. L’Autre n’en est que le terre-plein nettoyé(32). » Qu’est-ce à dire ? Qu’il y a à différencier l’Autre, lieu du désir qui glisse sous toute parole, et la chose lieu de jouissance. L’Autre, en place de S(A) barré, vient dire combien l’Autre est nettoyé de toute jouissance, structuré de l’incidence signifiante, parce qu’il lui manque l’objet a.

Ce que Lacan dénonce dans l’Ethique de la psychanalyse est : ce qu’il appelle cette pastorale analytique. Il veut démonter cet idéal promis par certains analystes : le génital love, où l’analyse conduirait à une relation sexuelle enfin harmonieuse. Je vous rappelle à ce sujet le développement que David Bernard et Jean-Michel Arzur nous ont fait à propos de Maurice Bouvet(33) l’année dernière. Pour Bouvet, la visée de la cure était une normalisation du désir entraînant aussi une moralisation du désir.

Ainsi par ce retour à das Ding, à cette jouissance première mythique, Lacan nous montre que le désir est transgressif. C’est d’ailleurs ce que Kant ignore quand il pense que la raison peut s’imposer. Ainsi si le gibet attend un homme qui irait voir la femme qu’il désire illégalement, Kant pense que « Personne n’aura la folie, pour passer une nuit avec sa belle de courir à une issue fatale(34) ». Nous savons que cela ne tient pas, c’est ce qu’illustre   la jouissance de la transgression.

Il n’y a pas de souverain Bien, et il n’y a pas de génital love, et l’amour du prochain est à prendre avec réserve. Mais la cure psychanalytique peut révéler au sujet ce qui lui est le plus extime,  son plus prochain et à la fois son plus étranger. Mais comme Sade l’enseigne sous l’objet total, le prochain ne peut que se profiler, ainsi l’analysant par les tours et détours de l’analyse ne peut que suivre cet objet partiel, l’objet a « qui chatouille das Ding par l’intérieur(35) ».

 

(1) FREUD S., Malaise dans la civilisation, Paris : PUF, 1983, p. 61.
(2) Ibid., p.62.
(3) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991,  p.211.
(4) FREUD S., Esquisse d’une psychologie scientifique, La naissance de la psychanalyse, Paris : PUF, 1991.
(5) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991,  p.230.
(6) FREUD S., Malaise dans la civilisation, Paris : PUF, 1983,  p.68.
(7) FREUD S., Esquisse d’une psychologie scientifique, La naissance de la psychanalyse, Paris : PUF, 1991,  p.348.
(8) Ibid. p. 348.
(9) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991,  p.64.
(10) Ibid., p.72.
(11) Ibid., P.64.
(12) Ibid., p.67.
(13) Ibid., p.87.
(14) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991, p.122.
(15) FREUD S., Résultats, Idées, problèmes I, Paris, PUF, 2005, p.137.
(16) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991, p.82.
(17) Ibid., p.83.
(18) Ibid., p.84.
(19) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991, p 92.
(20) Ibid., p. 100.
(21) Ibid., p. 101.
(22) LACAN J., Discours aux catholiques, Seuil, Paris : 2005, p.35.
(23) Ibid., p.36.
(24) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991, p.212.
(25) FREUD S., Malaise dans la civilisation, Paris : PUF, 1983, p. 47.
(26) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, Paris : Seuil, 1991, p.218.
(27) LACAN J., Discours aux catholiques, Paris : Seuil, 2005, p.47.
(28) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, op.cit., p.219.
(29) Ibid., p. 229.
(30) Ibid., p. 230.
(31) Ibid., p. 237.
(32) LACAN J., Le séminaire, livre XVI, d’un Autre à l’autre, Paris : Seuil, 2006, p.225.
(33) Le Mensuel 83, Bulletin de l’École de psychanalyse des forums du champ lacanien, décembre 2013.
(34) LACAN J., Le séminaire, livre VII, L’éthique de la psychanalyse, op.cit., p.222.
(35) Ibid., p.232.

 

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