Introduction à la journée Témoin, pas sans l’Autre ?

Intervention prononcée lors de la journée d’étude Témoin, pas sans l’Autre ? Organisée par les membres de l’EPFCL du Pôle à Ouest à Rennes le samedi 27 février 2016

Le témoignage révèle bien souvent l’impossible à dire, en particulier quand il concerne celles et ceux qui ont vécu des situations extrêmes de déshumanisation et pour lesquels il a pu avoir une portée vitale, Un-possible nous propose Alexandre Faure, ou au contraire un destin dramatique.

C’est à partir de deux expériences singulières que les organisateurs et intervenants de la journée Témoin, pas sans l’Autre ?, inscrite dans le mouvement d’un séminaire consacré au pluriel de l’exil, ont choisi d’orienter la réflexion : celle de Rithy Panh, rescapé de la terreur des Khmers rouges au Cambodge entre 1975 et 1979, et celle de Marceline Loridan Ivens, survivante de Birkenau.

L’un et l’autre, cinéastes et documentaristes, ont choisi l’image et les mots, signifiants intimement solidaires, pour dire, pour un acte-dire selon une hypothèse de Jean Michel Arzur. Pas sans l’Autre donc. Mais il est remarquable que, pour au moins deux de leurs œuvres, leur travail est aussi étroitement lié à un autre. C’est :

  • L’image manquante pour Rithy Panh (2013), film majeur dans son travail cinématographique. Après avoir donné la parole à d’autres, tenté de capturer une vérité en particulier dans celle d’un autre – Duch, le maître des forges de l’enfer -, Rithy Panh, 35 ans après sa sortie des camps, prend à son tour la parole pour dire son histoire dans l’histoire et faire avancer son travail d’écriture en s’appuyant sur un écrivain, Christophe Bataille.
  • Et tu n’est pas revenu (Editions Grasset, 2015) pour Marceline Loridan-Ivens, livre publié 70 ans après sa libération de ce qui fut pour elle aussi un enfer, écrit avec l’appui de Judith Perrignon, journaliste et écrivain.

Tous les deux sont confrontés à une part d’oubli, question que développe entre autres Charlotte Goupille-Favre, et ne peuvent faire sans l’Autre pour mettre à jour ce qui est parfois dans la nuit.

Du témoignage, c’est d’une part ce qu’il est-vise-dit-manque, d’autre part l’offre d’une écoute qu’il suppose, mais aussi ce qu’il révèle de la langue – la langue du témoin nous dit Marie-Laure Choquet – et lalangue, que le pôle Ouest a choisi d’interroger le 27 février dernier à Rennes.

Si l’analysant n’est pas un témoin, il ne s’agit pas pour lui de dire ce qu’il sait mais plutôt de laisser dire ce qu’il ne sait pas , le témoignage est en question à la fin de l’analyse et intéresse d’autant plus les analystes.

Présente à la table ronde de cette journée, Judith Perrignon a bien voulu partager son expérience, de la place de celle qui fait offre, qui s’autorise à deux comme co-auteur, avec Marceline Loridan-Ivens mais  pas seulement puisqu’elle a co-signé plusieurs ouvrages avec-à partir de-pour-grâce à un autre (citons Gérard Garouste, Sonia Rykiel, Eva Joly, René Frydman).

C’est la transmission de leurs travaux que les organisateurs nous proposent aujourd’hui à la lecture.

Email de l’auteur : philippe.madet@gmail.com